DEMOCRATIE

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samedi 16 mai 2009

Nicolas et Angela !


Quoi qu’il arrive, quand on parle d’Europe, on en revient toujours à la France et à l’Allemagne. « Les Français et les Alle­mands doivent devenir des frères », disait le général de Gaulle à Alain Peyrefitte en 1962, dix-sept ans seulement après la fin d’un troisième et épouvantable conflit entre les deux peuples. L’Europe a été voulue pour en empêcher le renouvellement.

Elle y est parvenue. « L’Allemagne a besoin de nous autant que nous avons besoin d’elle », ajoutait le Général en invitant le chancelier Adenauer à se rendre à Reims – « la ville martyre de la Première Guerre et qui a reçu la reddition de l’armée allemande à la Seconde », où Clovis fut baptisé, où Jeanne d’Arc couronna Charles VII, où nos rois furent sacrés… Entre la France et l’Allemagne, la symbolique n’est jamais absente de la politique.

Après de Gaulle et Adenauer, ce furent Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl, Chirac et Kohl, Chirac et Schröder ; voici maintenant Sarkozy et Merkel. Dimanche, ils étaient en­semble à Berlin, non pour un sommet, une visite, une réunion de travail, mais pour un meeting. Le président français et la chancelière allemande parlant au public allemand, comme s’il s’agissait d’une manifestation natu­relle. « La France ne vous craint pas ; elle veut vous ressembler dans l’excellence », dit le président français. Le 22 mai, l’Allemagne fêtera les soixante ans de sa Constitution démocratique. Le 26, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy signeront une déclaration, à moins de deux semaines du scrutin européen du 7 juin, sur l’avenir des institutions européennes et la gouvernance mondiale, le G8 et le G20, et les défis à affronter.

C’est cette vision identique du gouvernement de l’Europe, de sa capacité d’influence auprès des États-Unis et de la Russie, qui unit la chancelière fédérale au président de la République. Une vision qui s’est révélée durant la crise financière au moment où celle-ci éclatait, au mois de septembre dernier. Jusque-là, les relations franco-allemandes étaient ce qu’elles étaient, empreintes de nécessité plus que de vertu. Certes, Nicolas Sarkozy avait accompli les gestes convenus, il avait pris l’avion pour Berlin dans l’après-midi même de son installation à l’Élysée. Mais entre Angela Merkel et lui, l’affection n’y était pas vraiment. Le style, le tempérament, les équipes sans doute, les séparaient. La présidence française de l’Union, puis la crise, ont suffi à créer le sentiment qui manquait. Et l’Anglais aussi.

Dès l’explosion de la crise financière, Nicolas Sarkozy a su saisir le retournement de la situation : en sauvant l’Anglais Gordon Brown, il allait susciter la pleine adhésion de la chancelière. Brown était au plus mal, sa cote dans l’opinion, “cramée” ; il était à la merci des conservateurs. Sarkozy lui a sauvé la mise non seulement en créant le G4, le directoire européen à quatre, avec Merkel et Berlusconi, et en l’invitant à l’Élysée, mais en reprenant son plan de lutte contre les faillites bancaires en chaîne. C’est ainsi qu’un nouveau pouvoir est né en Europe, appuyé sur ses grandes nations – les institutions européennes, Commission, Euro­groupe, Banque centrale, cessant toute prétention et rentrant dans le rang. Le Conseil, celui des chefs d’État et de gouvernement, animé par l’énergie du président français, avait repris le pouvoir. Grâce à ce “directoire”, Nicolas Sarkozy parvenait à imposer à une Amérique, certes affaiblie par sa campagne électorale, mais qui n’en voulait pas, un G20 pour organiser la riposte coordonnée à la crise. L’Europe, c’est-à-dire la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne, était donc capable de faire prévaloir son point de vue. Dans la foulée, le sommet du G20 à Londres se révélait un succès, et celui de l’Otan, sur les deux rives du Rhin, un autre succès.

Et maintenant ? « Nous voulons, dit Sarkozy en engageant Angela Merkel avec lui, une Europe avec des institutions dignes de ce nom. » Entendre : le traité de Lisbonne (qu’ils ont préparé tous les deux) doit permettre de gouverner et passer outre aux états d’âme des retardataires. Contrastant avec la dynamique de la présidence française, le désastre de la présidence tchèque en souligne l’urgence. Or ici est engagée une course contre la montre : le traité ne sera ratifié que si les Irlandais revotent en sa faveur à l’automne prochain. La crise plaide pour le “oui”. Dans un an, Gordon Brown aura, de toute évi­dence, perdu les élections contre les conservateurs. Mais ceux-ci ne pourront plus revenir en arrière et s’opposer à un traité déjà ratifié. « Ceux qui refusent le traité de Lisbonne, dit Merkel, nous refusons de leur tendre la main. » Une fois la ratification obtenue, Français et Allemands entendent bien continuer à jouer les premiers rôles en Europe pour former les majorités nécessaires à son gouvernement.

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