DEMOCRATIE

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samedi 30 mai 2009

Merkel et Sarkozy, leaders préférés en Europe !

SONDAGE - Dans quatre pays, les dirigeants français et allemand devancent leurs homologues britannique et italien.

Angela superstar !

Et Nicolas médaille d'argent.

Selon le sondage OpinionWay réalisé pour Le Figaro auprès des quatre grands voisins de la France - Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne et Italie -, la gagnante de l'Europe-Académie des leaders de l'UE est la chancelière allemande. Ce n'est pas une surprise. Les eurobaromètres qui mesurent régulièrement la popularité des leaders européens donnent toujours la première place à l'Allemagne et, par conséquent, à sa chancelière.

Mais il est intéressant de noter qu'Angela Merkel conserve cette première place deux ans après l'arrivée de Nicolas Sarkozy, qui a illustré le fameux «retour de la France» dans le jeu européen. Si Angela Merkel régnait sans partage sur l'Europe en 2007, elle a conservé son avance, mais Nicolas Sarkozy a réduit l'écart. Avec le recul de quelques mois, on peut conclure que la présidence française de l'Union, dont l'UMP a fait l'argument central de sa campagne, n'a pas renversé la hiérarchie perçue par l'opinion dans les grands pays de l'Europe. Cette présidence du Conseil européen est pourtant jugée positivement par 60 % des personnes interrogées. Seuls les Britanniques jugent - à 62 % ! - qu'elle a été une «mauvaise chose» pour l'Europe.

Pérennité du couple franco-allemand

Au passage, on notera que seuls deux chefs de gouvernement sont populaires dans leur pays - Merkel et Berlusconi. Mais la chancelière emporte aussi la palme à l'extérieur, alors que président du Conseil italien bat des records d'impopularité dans les autres pays européens. Les Anglais, indécrottables eurosceptiques, et décidément de très mauvaise humeur, valident le palmarès des autres pays, mais avec une note bien plus sévère : si Angela Merkel est bien la première, elle n'enregistre que 44 % d'opinions positives.

Ce palmarès prend également acte de la pérennité du couple franco-allemand. L'Élysée se félicite d'ailleurs de cette «consécration» du rôle de l'axe Paris-Berlin dans l'Union européenne.

Sans surprise, Nicolas Sarkozy rallie avant tout les suffrages des pays latins. Et notamment des Espagnols, qui restent très positifs sur le président français, malgré l'amorce d'une polémique sur les propos supposés du président français sur «l'intelligence» de José Luis Zapatero. En réalité, aux yeux des Européens, c'est avant tout la modernité de Sarkozy qui se détache, avant tout à cause de son style beaucoup plus direct, de son divorce puis son mariage avec Carla Bruni. Le côté réformateur du chef de l'État arrive en revanche au dernier rang. Et ce sont les Anglais et les Allemands qui le jugent le moins pro-européen et le plus nationaliste.

C'est d'ailleurs dans ces pays que la presse s'est montrée particulièrement sévère depuis quelques mois, dénonçant le retour des habituels «stéréotypes» français : arrogance et jeu trop personnel.

Ile-de-France : le PS accuse un retard de 11 points sur l'UMP


La liste de la majorité conduite par Michel Barnier et Rachida Dati obtient 29%, loin devant celle du socialiste Harlem Désir, à 18%.

C'est un coup de semonce pour le PS et un encouragement pour l'UMP. Selon notre baromètre OpinionWay-Fiducial pour Le Figaro-TF1-LCI-RTL, la liste conduite par Michel Barnier en Ile-de-France est créditée de 29 % des voix, soit trois points de plus que l'UMP au niveau national. La liste socialiste conduite par Harlem Désir descend en dessous du seuil symbolique des 20 %, à 18 %.

Michel Barnier profite indéniablement de son rôle d'animateur national de la campagne UMP pour les européennes. Au capital de notoriété dont bénéficie le ministre de l'Agriculture, s'ajoute la présence, en deuxième position, de la garde des Sceaux Rachida Dati. Et en troisième place celle d'une autre figure nationale, l'ancien journaliste Jean-Marie Cavada, pour le Nouveau Centre. L'ouverture à gauche est incarnée par la numéro 4, Marielle Gallo (Gauche moderne).

À l'UMP, on se prend à rêver d'obtenir un cinquième élu au Parlement européen, Philippe Juvin, maire UMP de La Garenne-Colombes et vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine. Voire un sixième, Constance Le Grip, suppléante du député UMP de Seine-et-Marne Didier Julia et conseillère à l'Élysée.

Duel serré pour la troisième place

Dans cette circonscription qui coïncide avec la Région Ile-de-France, l'écart est beaucoup plus creusé avec les socialistes. Alors qu'au niveau national, 6 points seulement séparent l'UMP du PS, l'écart est de 11 points au profit de l'UMP-Nouveau Centre en Ile-de-France. La liste socialiste est 2 points en deçà de la moyenne nationale du PS. Une situation tendue pour les socialistes franciliens. En troisième position derrière l'eurodéputée sortante Pervenche Berès, le porte-parole du PS Benoît Hamon n'est pas assuré de sa réélection. En cas de non-élection, sa fonction pourrait donc être remise en cause, faute de légitimité. «Si je ne suis pas élu, j'irai travailler dans le privé», a-t-il d'ailleurs affirmé, en plaisantant à moitié (nos éditions du 19 mai). Dans un sondage Ifop-Paris Match portant sur l'Ile-de-France et publié le 19 mai, l'UMP était créditée de 29 % des voix et le PS de 23,5 %.

À seulement cinq points d'Harlem Désir, Daniel Cohn-Bendit et sa liste Europe Écologie recueillent 13 %, talonnés à 12 % par la liste MoDem de Marielle de Sarnez. Le duel est serré pour la troisième place. Là encore, la très forte notoriété de l'eurodéputé Vert sortant joue en sa faveur, ainsi que celle de sa colistière, l'ancienne magistrate franco-norvégienne, Eva Joly. Au niveau national, notre étude OpinionWay-Fiducial du 29 mai place le parti de François Bayrou en troisième place, à 13 %, trois points devant Daniel Cohn-Bendit.

À la gauche de la gauche, la compétition tourne à l'avantage du Front de gauche, conduit par le communiste Patrick Le Hyaric allié aux amis de Jean-Luc Mélenchon. Sa liste est créditée de 6 %, un point au-dessus de celle d'Omar Slaouti pour le NPA d'Olivier Besancenot. À tout juste 5 %, la liste du Front national est aussi au coude-à-coude avec la liste villiériste Libertas (4 %), conduite par l'ex-député des Alpes-Maritimes Jérôme Rivière.

» DOCUMENT (pdf) - L'intégralité du sondage

Bertrand reprend en main la campagne UMP !


EUROPÉENNES - Le secrétaire général du parti présidentiel revendique l'entière responsabilité de la bataille européenne.

L'argumentaire est prêt depuis plusieurs semaines : si la majorité réalise le 7 juin le score que lui prédisent les sondages, l'UMP sera le premier parti au pouvoir à remporter nettement des élections intermédiaires depuis la victoire de la liste de Simone Veil aux européennes en 1979, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing. Un succès que Xavier Bertrand ne manquera pas, révérence oblige, de mettre d'abord au crédit de Nicolas Sarkozy, mais dont il compte bien revendiquer aussi sa part.

Le secrétaire général du parti présidentiel a progressivement repris en main la coordination de la campagne, confiée au départ à Michel Barnier. Le ministre de l'Agriculture avait été propulsé à ce poste pour justifier son parachutage en Ile-de-France, loin de son fief haut-savoyard. Un cadeau empoisonné, d'autant que Nicolas Sarkozy s'était refusé à le laisser quitter le gouvernement pour se consacrer à sa nouvelle tâche. La crise du lait n'a pas contribué à alléger son agenda. L'équipe qu'il avait constituée, et dont le député de Seine-et-Marne Franck Riester assure toujours la direction, s'est rapidement retrouvée en porte-à-faux avec Xavier Bertrand et son commando de choc.

Le patron de l'UMP confie avoir «poussé un coup de gueule» il y a trois semaines contre le staff de Michel Barnier, en présence de l'intéressé, qui est resté silencieux. Du choix des salles à celui des thèmes de meeting, en passant par la liste des orateurs et la communication autour des événements censés rythmer la campagne, rien ne trouvait grâce aux yeux de Xavier Bertrand. Son principal reproche : «Ils ne sont pas politiques.» «Moi, je sais comment s'écrivent les fins de campagne, explique-t-il. Les grandes listes, quand elles sont en tête, considèrent que leur situation est acquise et se contentent de garder le rythme, voire lèvent le pied, alors qu'il faut accélérer.»

Erreur d'organisation

Jeudi soir, c'est lui qui a organisé la venue de Jean-Louis Borloo à Lille. L'intervention du ministre de l'Écologie, ancien maire de Valenciennes, a été l'un des rares moments chaleureux de la soirée. Moins applaudis, le ministre du Budget, Éric Woerth, et le secrétaire d'État aux Affaires européennes, Bruno Le Maire, ont trouvé la salle «froide» et le public «dur». «Les Zénith se prêtent mal aux réunions politiques», a soupiré Xavier Bertrand. Encore une erreur d'organisation !

Le secrétaire général de l'UMP se réfère à Nicolas Sarkozy pour se justifier d'avoir repris en main la campagne : «Comme dirait quelqu'un, je sais bien qui sera considéré comme responsable en cas d'échec.» Il sait qu'en cas de victoire, il ne sera pas épargné non plus. Jean-François Copé, son rival pour la présidentielle de 2012, commence déjà à expliquer qu'au-dessous de 25 %, le score de l'UMP serait «inquiétant» pour l'avenir. D'autres murmurent que la progression annoncée de François Bayrou signe l'échec de la stratégie du parti majoritaire, quel que soit son score le 7 juin.

jeudi 28 mai 2009

L'éditorial de Claude Imbert - Mécomptes et légendes

Un grand musée de l'Histoire de France ? Notre pays compte des centaines de musées historiques, mais aucun n'embrasse toute l'Histoire nationale comme les musées de même ambition, allemand ou américain. Pourtant, le projet élyséen reçoit un accueil mitigé. Représenter l'Histoire, monstre insaisissable, dérange les historiens, qu'indisposent de surcroît les embardées de l'Etat sur leurs plates-bandes. L'Histoire, plaident-ils, ne s'écrit plus à Epinal. Elle ne se contente plus de colorier des héros, des scènes propices à l'imagerie. Ses champs nouveaux couvrent le commerce des temps passés, le climat, leur tonalité sociale, tout un univers impalpable qui défie la mise en scène. Bref, on refuse l'impassibilité d'une Histoire, momie d'un indésirable musée.

Faut-il jeter alors le projet aux orties ? Décourager, par intégrisme historien, la soif populaire de l'Histoire ? Dénier le rôle que sa représentation-fût-elle légendaire-joue dans le vague de l'identité nationale ? Pas sûr ! On voit bien ce que la modernité lui oppose : l'avenir transnational, la guerre des mémoires et, ces temps-ci, les repentances esclavagiste et coloniale, toute cette réécriture révisionniste par nos convictions et savoirs nouveaux d'une Histoire obsolète. Mais ce chambardement critique n'interdit pas de montrer, comme d'autres nations y parvinrent, comment s'édifia, dans la mêlée des siècles, la nation française.

Le projet a, c'est vrai, je ne sais quoi de romantique. Il y flotte la nostalgie populaire du passé. Et le charme déclinant de ces Parques de l'imaginaire national dont les fils énigmatiques tissent la Patrie, la Nation. Or les doctes, là-dessus, n'ont pas le fin mot. Car il est une histoire, celle de la mémoire collective, qui n'appartient pas aux historiens. Rêvons un peu ! Imaginons ce musée improbable aux Invalides, rêve de pierre, de majesté mélancolique, déployé au coeur du Paris historique ! Il ferait un noble tombeau pour une Histoire par nature défunte, mais toujours digne d'être visitée et méditée.

L'Histoire, c'est entendu, n'y sera plus ce qu'elle était. Jadis on croyait à l'Histoire comme aux Evangiles. On la voyait tragique, rythmée par les massacres. On savait que le glaive a fait la France, ses armes plus que ses lois et Richelieu autant que Molière. On glissait sur les périodes heureuses qui font les pages blanches de l'Histoire. La France ainsi dessinée n'est plus qu'un souvenir d'enfance...

Le désenchantement de cette Histoire-là vient de loin. L'école des Annales a fait brillamment déferler, avec l'économique et le social, un déluge de nouvelles vérités sur le folklore d'Epinal. Elle expédia au bric-à-brac les armures et les perruques, les canons et les pourpoints...

Dans les yeux des enfants, dans leurs soldats de plomb, dans les comptines populaires, l'Histoire de jadis s'apprenait sur un ciel de légendes à grand renfort de clichés édifiants, Clovis et son vase, Charlemagne et sa barbe, Jeanne d'Arc et son bûcher, Marignan 1515, Henri IV et sa poule au pot, Napoléon et sa Berezina... Le père Dumas et le roman de l'Histoire y ajoutèrent « Les trois mousquetaires », Hugo sa « Légende des siècles » et le cinéma de l'entre-deux-guerres « Trois de Saint-Cyr »... Epopées, mirages, fantasmes d'une Histoire écrite puis rêvée par des vainqueurs ! L'Histoire, on s'en doutait déjà, n'est qu'une science fort conjecturale... « Plutôt un art, disait Anatole France, où l'on ne réussit que par l'imagination... » L'imagination ne chômait pas. Elle ornait les temples du souvenir que sont les lieux de mémoire. Et dont Pierre Nora fit un musée imaginaire.

Nos savant historiens, tous férus du doute méthodique, n'ont pas eux-mêmes échappé aux visions de l'imaginaire idéologique. Celui de la vulgate républicaine, de son culte du progrès, de sa dévotion révolutionnaire. L'enseignement public que j'ai pratiqué doutait fort peu. Il ne balançait guère entre Taine et Michelet, entre Bainville et Lavisse : il était d'un seul bord. Jusqu'à ce que Furet enlève à la « déesse Révolution » un piédestal sacralisé. Marée puis ressac d'illusions...

Le projet muséal ne vaudra que s'il échappe aux mécomptes de la fable comme à ceux de l'intégrisme critique. C'est le cap modéré qui s'impose aussi à l'enseignement, hélas saccagé, de l'Histoire : j'ignore si l'enfant la sait mieux, le fait est qu'il la sait moins. Que l'histoire des idées, des inventions accompagne l'histoire des rois et des républiques, bien sûr ! Mais sans écraser les séquences de l'unité française et leur chronologie. Le remords anticolonial jette à la rivière la casquette du père Bugeaud, mais qui était Bugeaud ? Le site d'Alésia n'est pas celui que l'on croyait, mais que se passa-t-il à Alésia ? Un musée moderne aidé de l'image mobile et de l'informatique peut servir une pédagogie populaire de l'Histoire. Fût-ce avec l'image et sa poussière de légendes !

Européennes: L'UMP veut booster sa campagne pour "mobiliser" son électorat

A moins de deux semaines des européennes, l'UMP a décider d'intensifier sa campagne pour "mobiliser" son électorat et "l'intéresser" aux enjeux européens, alors que l'abstention s'annonce historiquement forte.

L'abstention pourrait atteindre un record, le 7 juin, selon l'institut Ipsos, à un taux estimé entre 60 et 65%, contre près de 30% au référendum de 2005 sur la constitution européenne et près de 57% aux européennes de 2004.

"Ce n'est pas un syndrome franco-français, dans tous les pays européens les prévisions de taux d'abstentions sont au même niveau", a expliqué à quelques journalistes le numéro un du parti majoritaire, Xavier Bertrand.

Selon lui, "toutes les classes politiques portent une responsabilité importante" pour n'avoir "pas suffisamment valorisé les avancées" dues à l'Europe.

Le "non" français au référendum 2005 "étant passé par là, il faut décupler l'énergie pour mobiliser", a-t-il insisté, annonçant une nouvelle campagne de tractage, (trois millions de tracts), et la distribution de 30.000 exemplaires du fascicule exposant les "30 propositions" du programme de l'UMP pour une Europe "qui protège et qui agit".

Dans le cadre de la campagne officielle, lancée lundi, le parti présidentiel prévoit également d'ajouter aux deux spots télévisés actuels, deux nouveaux, sur les espaces qui lui sont dévolus sur France Télévisions, dans les prochains jours.

Il faut aussi "recréer du vrai débat politique et non polémique", a ajouté M. Bertrand jugeant "compliqué d'avoir des interlocuteurs pour des débats en direct avec les différents chefs de partis parce qu'il y en a certains qui ne sont pas très allants".

Un duel télévisé l'opposera toutefois la semaine prochaine à l'ex premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande, a-t-il précisé.

Enfin, l'UMP a reformaté deux meetings (en doublant la capacité des salles à 1.500 personnes), prévus jeudi à Lille et vendredi à Nice -- deux eurorégions (Nord-ouest et Sud-est) où elle pense disposer de réservoirs de voix-- pour mobiliser son électorat sur des thèmes comme l'immigration, la sécurité et la préférence communautaire.

mardi 26 mai 2009

Rocard salue le "courage" de Sarkozy dans la gestion de la crise.

22 déc. 2008

PARIS (AFP) — L'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard salue lundi dans une interview à Profession politique le "culot" et "le courage" de Nicolas Sarkozy dans sa gestion de la crise, notamment en inspirant la réunion du G20 à Washington.

"L'inspirateur se trouve être Nicolas Sarkozy parce qu'il est impulsif, courageux, qu'il a du culot et qu'il se trouvait par hasard président de l'Europe à ce moment-là !", estime M. Rocard qui a déjà rendu hommage au chef de l'Etat dans d'autres circonstances, s'attirant des critiques de son camp.

"Non dogmatique, il est allé chercher des outils de lutte contre la crise en dehors de l'arsenal monétariste. Le mérite du président de la République est d'avoir suscité le G20 et de l'avoir piloté dans une totale ouverture d'esprit", poursuit l'eurodéputé.

Selon Michel Rocard, le plan de relance de Nicolas Sarkozy, "axé sur l'investissement, s'inscrit dans la droite ligne de ce qui a été décidé à Washington".

Par ailleurs, M. Rocard juge que "la médiatisation est un empêchement à gouverner", par exemple dans le dossier de la réforme des collectivités locales.

Cependant l'ancien chef de gouvernement de François Mitterrand juge que M. Sarkozy "se défend intelligemment contre une médiatisation qui gênait déjà ses prédécesseurs".

"Eux n'avaient pas de réponse. Lui en a trouvé une, qui est de manipuler les médias en les sursaturant et, du coup, il a retrouvé un peu d'espace de décision", commente-t-il.

Il met en garde le PS contre "une opposition systématique" pour "faire sa réconciliation interne".

"L'opposition systématique, un électeur moyen ne la comprend pas. L'électeur moyen ne peut comprendre que l'opposition à telle ou telle décision. Alors l'opposition devient sincère et respectée", affirme-t-il.

lundi 25 mai 2009

L'Europe, ça ne tombe jamais bien !



ela ressemble à des rendez-vous manqués. Des campagnes pour les élections européennes où l'on n'a pas parlé d'Europe, ou si peu. Parce que la politique intérieure dominait. Parce que le scrutin ne coïncidait pas avec de grands rendez-vous de la construction européenne. Parce qu'il tombait trop tôt (en 1989, avant la chute du mur de Berlin) ou trop tard (en 1994, deux ans après la bataille du traité de Maastricht). Souvenirs de campagnes manquées.

1979 : MITTERRAND ET CHIRAC EN EMBUSCADE

Pour la première fois, les députés du Parlement européen sont élus au suffrage universel. Le président Valéry Giscard d'Estaing l'a voulu, les gaullistes en contestent le principe. En vain. Ils crient à la trahison et prédisent que le Parlement va s'ériger en Assemblée constituante. Cette première campagne est la seule où l'on parlera d'Europe. Violemment parfois.

L'affrontement entre gaullistes et fédéralistes, partisans des Etats-Unis d'Europe, est délétère. Dès décembre 1978, Jacques Chirac dénonce dans son appel de Cochin la "voie paisible et rassurante" du "parti de l'étranger" et "l'inféodation de la France" qui se prépare.

Simone Veil, qui mène la liste UDF, affronte une campagne haineuse. Dans un meeting, celle qui a fait adopter la loi sur l'avortement, la rescapée d'Auschwitz, est accueillie par des "Hitler-Veil, même combat". Elle finira en tête et sera élue présidente du Parlement européen.

Le Parti socialiste, emmené par François Mitterrand, était concentré sur son objectif essentiel, la présidentielle, tout comme Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing. "1979 est masqué par 1981", estimait Le Monde à la veille du scrutin.

1984 : COLÈRES FRANCO-FRANÇAISES

L'Europe va repartir, mais nul n'en a conscience. Ce sont les heures sombres de l'"eurosclérose". La Communauté est bloquée par la querelle sur la contribution britannique au budget européen. "I want my money back", martèle le premier ministre britannique, Margaret Thatcher. L'affaire ne sera résolue qu'au conseil européen de Fontainebleau... huit jours après les élections.

"L'année 1985 sera dramatique", prédit, à tort, Simone Veil, qui conduit une liste d'union RPR-UDF. En réalité, François Mitterrand a fait le choix de l'Europe en 1983 : il est resté dans le système monétaire européen. Il s'est rendu à Bonn afin de soutenir Helmut Kohl et l'installation de missiles américains face aux SS20 soviétiques. "Les pacifistes sont à l'Ouest, mais les missiles, eux, sont à l'Est", lance le président français au Bundestag. A Strasbourg, il soutient le rapport Spinelli, en faveur de l'Europe politique.

En France, le débat n'a pas lieu dans les urnes, mais dans la rue. Les Français défilent pour défendre l'école privée. Pierre Mauroy, qui a pris le virage de la rigueur, vit ses dernières semaines à Matignon. Jacques Chirac, qui veut désormais "faire l'Europe sans défaire la France", a organisé une liste commune avec Simone Veil, face aux socialistes emmenés par Lionel Jospin. Des élections européennes, on retiendra l'émergence du Front national (11 %), sans vraiment réaliser qu'il vient de s'installer dans le paysage politique.

1989 : TOUS LIBÉRAUX

L'élection arrive trop tôt. L'on décèle des craquements à l'Est, mais la chute du mur de Berlin surviendra quelques mois plus tard. "L'Europe s'est banalisée", écrit Le Monde au lendemain d'un scrutin qui n'a pas passionné grand-monde. Le débat se concentre sur les trois cent directives concoctées par le président de la Commission européenne, Jacques Delors, pour réaliser le marché unique de 1992.

Le libéralisme est à son apogée en Europe. Même si Margaret Thatcher reste un épouvantail, les socialistes ne sont pas en reste : l'Acte unique européen a été négocié par le premier ministre socialiste Laurent Fabius et ratifié par son successeur Jacques Chirac. M. Fabius mène la liste du PS pour tester sa stature présidentielle. Il connaîtra un revers, avec 23,6 % des voix, un an avant le congrès de Rennes, qui verra les socialistes se déchirer. Valéry Giscard d'Estaing, lui, espère encore pouvoir rentrer dans le jeu, fort de ses 28,8 %.

1994 : GUERRE ET GUÉGUERRES

La vraie bataille sur l'Europe a eu lieu deux ans plus tôt, lors du référendum sur le traité de Maastricht, ratifié in extremis par les Français. Les élections sont une répétition sans risque. Il s'agit de compter les eurosceptiques, alors que la monnaie unique, prévue par le traité, semble encore lointaine. C'est la première victoire du souverainiste Philippe de Villiers, qui engrange 12,4 % des voix.

L'Europe désabusée est incapable d'empêcher la guerre qui déchire les Balkans, tandis que la cohabitation (entre François Mitterrand et Edouard Balladur pour l'exécutif, entre Jacques Chirac et Edouard Balladur au RPR) affadit les débats. Les philosophes Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann renoncent à figurer sur une liste intitulée L'Europe commence à Sarajevo. En revanche, Bernard Tapie, encouragé par François Mitterrand, maintient la sienne. Il est censé affronter Jean-Marie Le Pen. Dans un débat télévisé, le journaliste Paul Amar leur présente des gants de boxe. La vraie victime sera Michel Rocard, tête de liste du PS. Talonné par M. Tapie, il n'enregistre que 14,5 % des voix et voit son rêve élyséen brisé, un an avant la présidentielle de 1995.

1999 GUERRE ET AFFAIRES

Cela aurait dû être le triomphe de l'Europe rose. Le premier ministre socialiste, Lionel Jospin, organise à Paris un meeting avec ses homologues, le Britannique Tony Blair, l'Allemand Gerhard Schröder et l'Italien Massimo d'Alema. Mais il s'agit d'une fausse unité, le socialisme français étant bien éloigné du New Labour.

La guerre du Kosovo écrase les débats et force à l'unité nationale en période de cohabitation avec Jacques Chirac. Après l'échec du traité d'Amsterdam sur les institutions, la campagne porte sur le nécessaire approfondissement de l'intégration européenne avant son élargissement. Mais le débat ne sera vraiment ouvert qu'en 2000 par le discours de l'Allemand Joschka Fischer, à l'université Humboldt de Berlin.

Le sentiment antibruxellois monte, depuis que la Commission de Jacques Santer a dû démissionner, notamment en raison des accusations de népotisme portées contre la commissaire Edith Cresson. L'affaire fait le jeu de Philippe de Villiers, qui finit second du scrutin, derrière le PS. La droite ressort en lambeaux : le RPR a choisi pour tête de file le chantre du non à Maastricht, Philippe Seguin, empêchant la constitution d'une liste commune avec l'UDF. Il jette l'éponge peu avant le scrutin, et c'est Nicolas Sarkozy qui le remplace au pied levé. Il finit à une humiliante troisième place.

2004 TROP TÔT ET TROP TARD

L'élection arrive trop tôt et trop tard. Trop tard, parce que l'élargissement aux pays de l'Est a eu lieu, le 1er mai 2004, sans qu'on demande leur avis aux Français. Trop tôt, parce que la vraie bataille aura lieu en 2005 avec le référendum sur la Constitution européenne. A cette époque, les Français ne se sentent plus chez eux en Europe. Ils se sont retrouvés minoritaires dans leur opposition à la guerre en Irak. Ils maugréent sur les pays de l'Est tout en ayant mauvaise conscience. Le ministre des finances, Nicolas Sarkozy, dénonce l'octroi d'aides régionales aux pays qui pratiqueraient le dumping fiscal, tandis que le PS a adopté pour slogan "Et maintenant, l'Europe sociale".

Nul n'a remarqué la directive sur la libéralisation des services qu'a présentée un an plus tôt un commissaire néerlandais inconnu : Frits Bolkestein. Ce n'est que dans la campagne référendaire sur la Constitution qu'éclatera la polémique sur le "plombier polonais".

En attendant, on manque un vrai débat sur le Parlement européen, qui n'a jamais eu autant de pouvoirs, pour se concentrer sur les enjeux nationaux. La droite se remet mal de sa déroute aux élections régionales. L'onde de choc se poursuit aux européennes, qui voient le triomphe du PS (29,2 %). Le Monde éditorialise, à la veille du scrutin sur "l'enjeu français". L'abstention atteint un record (57,2 %) et Jean-Pierre Raffarin reste premier ministre.

2009 ENCORE RATÉ !

Trente ans après 1979, la campagne pourrait porter de nouveau sur l'Europe. Le Parlement va voir ses pouvoirs encore renforcés par le traité de Lisbonne, tandis qu'il faut réinventer le modèle européen de l'après-crise. Le débat est atone, non faute d'enjeux, mais parce que la gauche social-démocrate est si mal en point en Europe que peu d'observateurs croient à la possibilité d'une prise de pouvoir politique du Parlement qui empêcherait la reconduction du président de la Commission sortante, José Manuel Barroso.


Arnaud Leparmentier
Article paru dans l'édition du 26.05.09

L'antisarkozysme ne suffit pas !

Notre opinion

François d'Orcival, de l'Institut, le 21-05-2009
Photo: Patrick Iafrate

Les circonstances changent, pas les hommes. Une page des Mémoires de Jérôme Monod, qui viennent de paraître (les Vagues du temps, Fayard), éclaire mieux le jeu de François Bayrou que les deux cent cinquante de son propre livre de bataille (Abus de pouvoir, Plon). La scène se passe au mois de juin 2000. Jérôme Monod, redevenu conseiller politique de Jacques Chirac à l’Élysée, entame sa discrète préparation de la ­future campagne présidentielle de 2002.

Il rend visite à François Bayrou, à son bureau de l’UDF, pour sonder ses intentions. Celui-ci condamne devant lui « l’arrogance de la droite » tout en écartant « tout front commun avec les socialistes ». Puis il fait monter le ton de l’entretien en affirmant à son visiteur que « jamais il n’acceptera d’union avec un parti monolithique » – le RPR du moment. Jérôme Monod nota que son interlocuteur « irait jusqu’au bout, même seul ».

François Bayrou s’est donc opposé à la fusion de l’UDF et du RPR dans l’UMP en 2002, avant de refuser un front commun avec Ségolène Royal entre les deux tours de 2007. Le voici maintenant convaincu que l’alliance à gauche se fera autour de lui la prochaine fois. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes après avoir été directeur de cabinet de Dominique de Villepin, a raison de dire que, durant cette campagne européenne, François Bayrou ne pense qu’à lui et qu’à 2012. Mais il n’est pas le seul. Chacun va lire, le soir du 7 juin, l’ordre d’arrivée des listes aux européennes comme s’il s’agissait d’un premier tour de la présidentielle. Ce sera bien à tort, puisque ces élections ne se comparent pas, mais on ne l’empêchera pas.

François Bayrou n’a donc en tête que d’aller « jusqu’au bout, même seul », en pariant qu’il figu­rera au second tour de la présidentielle de 2012. Il n’y a, sous la Ve République, que deux cas où le candidat de la droite a fait face au second tour à un autre candidat que celui de la gauche : en 2002 et en 1969. Le scrutin de 2002 montre que passer devant un leader socialiste, même premier ministre sortant, est possible. Si Le Pen l’a fait, comment lui, Bayrou le Béarnais, n’y parviendrait-il pas ? La présidentielle de 1969 est plus intéressante encore, puisque c’est un homme de la famille de Bayrou, centriste, démocrate-chrétienne, européenne, qui a ­affronté le candidat gaulliste. Comme Le Pen n’avait pas la moindre chance de battre Jacques Chirac en 2002, c’est le second tour de 1969 qui mérite l’analyse : car Alain Poher avait, lui, une chance de l’emporter face à Georges Pompidou. Pourquoi ne l’a-t-il pas pu ?

Au départ, en effet, les chances du candidat ­centriste n’étaient pas minces. Il incarnait l’opposition au général de Gaulle, qui venait de perdre son ultime référendum avec 52 % de non. Poher cherchait à capitaliser ces voix-là sur son nom : pour un changement, sans bouleversement. En début de cam­pagne, les sondages le plaçaient tout près de Pompidou, loin devant les autres candidats, tous de gauche, le communiste Duclos faisant à l’époque deux à trois fois plus de voix que les socialistes. Mais au premier tour, Pompidou arriva nettement en tête avec 44 % des voix, ­contre 23 % pour Poher, suivi par Duclos avec 21 %. A priori, Pompidou n’avait ­au­cune réserve pour le second tour. Mais pour le battre, il fallait un report massif de la gauche sur le candidat du centre. C’est ce qui devait se révéler impos­sible. Les communistes, qui détestent l’abstention, y furent contraints : Pompidou et Poher, lança Duclos, c’était « blanc bonnet et bonnet blanc ». Au second tour, Poher gagna 20 % de voix de gauche, ce qui était une performance, mais sans atteindre Pompidou, qui l’emporta avec près de 58 % des voix. L’antigaullisme n’avait pas suffi.

Un problème analogue se pose à François Bayrou : en admettant que les socialistes continuent de se déchirer entre eux et lui abandonnent la deuxième place à la présidentielle, son antisarkozysme lui permettra-t-il de gagner ? Rien n’est moins sûr. L’antisarkozysme est une attitude, pas une politique. Il peut condamner l’argent, le bouclier fiscal, le ­salaire des patrons, le travail du dimanche, le budget de l’Élysée (Alain Poher proposait, par mesure d’économie, de supprimer le fromage des menus de la présidence), cela ne suffira pas à lui rallier la gauche de la gauche. Or, plus Bayrou apparaîtra comme une menace immédiate pour les socia­listes, plus ceux-ci feront de la surenchère à gauche et le renverront à ses origines démocrates-chrétiennes. Un sondage de Libération, publié le 27 avril, indiquait que 56 % des électeurs de gauche étaient prêts à une alliance avec lui : cela lui apporterait bien une vingtaine de points, comme à Poher en 1969. Pas assez pour battre Sarkozy, à condition que celui-ci maintienne son capital de voix de droite.

EUROPÉENNES - 54 % d'abstention, l'UMP toujours en tête .


La part des Français voulant s'abstenir de voter aux Européennes est en augmentation de 3 points à 54 %, l'UMP restant nettement en tête des intentions de vote mais perdant deux points, selon un sondage CSA pour Le Parisien-Aujourd'hui en France dimanche . 54 % des personnes interrogées disent vouloir s'abstenir, voter blanc ou nul au scrutin du 7 juin, selon cette enquête d'opinion. Elles étaient 51 % en avril. A deux semaines du scrutin, le parti majoritaire, qui a fait la course en tête dans les sondages pendant toute la campagne européenne, accuse un recul de 2 points par rapport à son score d'avril, passant de 28 à 26 %.

Derrière l'UMP, le PS perd un point, 22 à 21 % des intentions de vote. En revanche, la formation de François Bayrou, en progressant d'un point à 14 %, creuse l'écart avec les listes Europe Ecologie emmenées par Daniel Cohn-Bendit, qui en perdent 1 à 9 %. Les quatre listes suivantes gagnent toutes un point: le FN passe de 6 à 7 %, le NPA de 5 à 6, les listes Libertas (MPF-CPNT) de 5 à 6 également et celles du front de gauche (PCF-PG) de 4 à 5 %. L'alliance écologiste indépendante (Waechter) est inchangée à 2 %, LO et Debout la République (Dupont-Aignan) de même à 1 %.

* Sondage réalisé par téléphone les 19 et 20 mai auprès d'un échantillon représentatif de 903 personnes (méthode des quotas). Notice détaillée disponible auprès de la commission nationale de sondages.

jeudi 21 mai 2009

« Le grandiose désastre français » selon Cioran


Vision. Pourquoi la France ne guide plus le monde ?

Réponse de Cioran. En 1941.


Ce portrait inédit de la France fut écrit en 1941, au coeur des années sombres, par Emile Cioran, génial philosophe roumain qui adopta la langue française par la suite pour rédiger ses nombreux ouvrages. Ce court livre, édité par L'Herne, se lit aujourd'hui avec émotion, tant les accents de lucidité et de pessimisme auxquels cet auteur nous a habitués font réfléchir sur les ressorts profonds d'un pays à la fois jouisseur et désespéré. Cet amoureux de la France, né en 1911 en Roumanie, mort à Paris en 1995, au passé sulfureux, dissèque à sa façon les grandeurs et petitesses d'une nation qui le fascine. Une réflexion plus vraie que jamais ?

Extraits

« Je ne crois pas que je tiendrais aux Français s'ils ne s'étaient pas tant ennuyés au cours de leur histoire. Mais leur ennui est dépourvu d'infini. C'est l'ennui de la clarté . C'est la fatigue des choses comprises .

Tandis que, pour les Allemands, les banalités sont considérées comme l 'honorable substance de la conversation, les Français préfèrent un mensonge bien dit à une vérité mal formulée.

Tout un peuple malade du cafard. Voici le mot le plus fréquent, aussi bien dans le beau monde que dans la basse société. Le cafard est l'ennui psychologique ou viscéral ; c'est l'instant envahi par un vide subit, sans raison-alors que l'ennui est la prolongation dans le spirituel d'un vide immanent de l'être. En comparaison, Langeweile [l'ennui] est seulement une absence d'occupation.

Le siècle le plus français est le XVIIIe. C'est le salon devenu univers, c'est le siècle de l'intelligence en dentelles, de la finesse pure, de l'artificiel agréable et beau. C'est aussi le siècle qui s'est le plus ennuyé, qui a eu trop de temps , qui n'a travaillé que pour passer le temps.

Comme je me serais rafraîchi à l'ombre de la sagesse ironique de Mme du Deffand, peut-être la personne la plus clairvoyante de ce siècle ! "Je ne trouve en moi que le néant et il est aussi mauvais de trouver le néant en soi qu'il serait heureux d'être resté dans le néant." En comparaison, Voltaire, son ami, qui disait : "Je suis né tué", est un bouffon savant et laborieux. Le néant dans un salon, quelle définition du prestige !

Chateaubriand-ce Français britannique comme tout Breton-fait l'effet d'une trompe ronflante à côté des effusions en sourdine de l'implacable Dame. La France a eu le privilège des femmes intelligentes, qui ont introduit la coquetterie dans l'esprit et le charme superficiel et délicieux dans les abstractions.

Un trait d'esprit vaut une révélation. L'une est profonde mais ne peut s'exprimer, l'autre est superficiel mais exprime tout. N'est-il pas plus intéressant de s'accomplir en surface que de se désarmer par la profondeur ? Où y a-t-il plus de culture : dans un soupir mystique ou dans une "blague" ? Dans cette dernière, bien sûr, quoiqu'une réponse alternative soit la seule qui aille.

Qu'a-t-elle aimé, la France ? Les styles, les plaisirs de l'intelligence, les salons, la raison, les petites perfections. L'expression précède la Nature. Il s'agit d'une culture de la forme qui recouvre les forces élémentaires et, sur tout jaillissement passionnel, étale le vernis bien pensé du raffinement.

La vie-quand elle n'est pas souffrance-est jeu.

Nous devons être reconnaissants à la France de l'avoir cultivé avec maestria et inspiration. C'est d'elle que j'ai appris à ne me prendre au sérieux que dans l'obscurité et, en public, à me moquer de tout. Son école est celle d'une insouciance sautillante et parfumée. La bêtise voit partout des objectifs ; l'intelligence, des prétextes. Son grand art est dans la distinction et la grâce de la superficialité. Mettre du talent dans les choses de rien-c'est-à-dire dans l'existence et dans les enseignements du monde-est une initiation aux doutes français. La conclusion du XVIIIe siècle non encore souillé par l'idée de progrès : l'univers est une farce de l'esprit. [...]

La divinité de la France : le Goût. Le bon goût. Selon lequel le monde-pour exister-doit plaire ; être bien fait ; se consolider esthétiquement ; avoir des limites ; être un enchantement du saisissable ; un doux fleurissement de la finitude.

Un peuple de bon goût ne peut pas aimer le sublime, qui n'est que la préférence du mauvais goût porté au monumental. La France considère tout ce qui dépasse la forme comme une pathologie du goût. Son intelligence n'admet pas non plus le tragique, dont l'essence se refuse à être explicite, tout comme le sublime. Ce n'est pas pour rien que l'Allemagne- das Land den Geschmacklosigkeit [le pays du mauvais goût]-les a cultivés tous les deux : catégories des limites de la culture et de l'âme. [...]

Le péché et le mérite de la France sont dans sa sociabilité. Les gens ne semblent faits que pour se retrouver et parler. Le besoin de conversation provient du caractère a-cosmique de cette culture. Ni le monologue ni la méditation ne la définissent. Les Français sont nés pour parler et se sont formés pour discuter. Laissés seuls, ils bâillent. Mais quand bâillent-ils en société ? Tel est le drame du XVIIIe siècle.

C'est une culture a-cosmique, non sans terre mais au-dessus d'elle. Ses valeurs ont des racines, mais elles s'articulent d'elles-mêmes, leur point de départ, leur origine ne comptent pas. Seule la culture grecque a déjà illustré ce phénomène de détachement de la nature-non pas en s'en éloignant, mais en parvenant à un arrondi harmonieux de l'esprit. Les cultures a-cosmiques sont des cultures abstraites. Privées de contact avec les origines, elles le sont aussi avec l'esprit métaphysique et le questionnement sous-jacent de la vie.

L'intelligence, la philosophie, l'art français appartiennent au monde du Compréhensible. Et lorsqu'ils le pressentent, ils ne l'expriment pas, contrairement à la poésie anglaise et à la musique allemande. La France ? Le refus du Mystère.

Elle ressemble davantage à la Grèce antique. Mais, alors que les Grecs alliaient le jeu de l'intelligence au souffle métaphysique, les Français ne sont pas allés aussi loin, ils n'ont pas été capables-eux qui aiment le paradoxe dans la conversation-d'en vivre un en tant que situation.

Deux peuples : les plus intelligents sous le soleil.

L'affirmation de Valéry selon laquelle l'homme est un animal né pour la conversation est évidente en France, et incompréhensible ailleurs. Les définitions ont des limites géographiques plus strictes que les coutumes. [...]

Un peuple sans mythes est en voie de dépeuplement. Le désert des campagnes françaises est le signe accablant de l'absence de mythologie quotidienne. Une nation ne peut vivre sans idole, et l'individu est incapable d'agir sans l'obsession des fétiches.

Tant que la France parvenait à transformer les concepts en mythes , sa substance vive n'était pas compromise. La force de donner un contenu sentimental aux idées, de projeter dans l'âme la logique et de déverser la vitalité dans des fictions-tel est le sens de cette transformation, ainsi que le secret d'une culture florissante. Engendrer des mythes et y adhérer, lutter, souffrir et mourir pour eux, voilà qui révèle la fécondité d'un peuple. Les "idées" de la France ont été des idées vitales, pour la validité desquelles on s'est battu corps et âme. Si elle conserve un rôle décisif dans l'histoire spirituelle de l'Europe, c'est parce qu'elle a animé plusieurs idées, qu'elle les a tirées du néant abstrait de la pure neutralité. Croire signifie animer.

Mais les Français ne peuvent plus ni croire ni animer. Et ils ne veulent plus croire, de peur d'être ridicules. La décadence est le contraire de l'époque de grandeur : c'est la retransformation des mythes en concepts .

Un peuple entier devant des catégories vides-et qui, des mains, esquisse une vague aspiration, dirigée vers son vide spirituel. Il lui reste l'intelligence, non greffée sur le coeur. Donc stérile. Quant à l'ironie, dépourvue du soutien de l'orgueil, elle n'a plus de sens qu'en tant qu'auto-ironie.

Dans sa forme extrême, ce processus est caractéristique des intellectuels. Rien, cependant, n'est plus faux que de croire qu'eux seuls ont été atteints. Tout le peuple l'est, à des degrés variés. La crise est structurelle et mortelle. [...]

Aux périodes où une nation est à un point culminant apparaissent automatiquement des hommes qui n'ont de cesse de proposer des directives, des espoirs, des réformes. Leur insistance et la passion avec laquelle ils sont suivis par la foule témoignent de la force vitale de cette nation. Le besoin de régénération par la vérité et par l'erreur est propre aux périodes florissantes. Un écervelé comme Rousseau représente un comble d'effervescence. Qui se soucie encore de ses opinions ?

Pourtant, leur tumulte nous intéresse encore en raison de leur écho et de sa signification. Une apparition de cette ampleur est aujourd'hui inconcevable. Le peuple n'attend rien. Alors, qui lui proposerait quelque chose, et quoi ? Les peuples ne vivent réellement que dans la mesure où ils sont gavés d'idéaux, dans la mesure où ils ne peuvent plus respirer sous trop de croyances. La décadence est la vacance des idéaux, le moment où s'installe le dégoût de tout ; c'est une intolérance à l'avenir -et, en tant que tel, un sentiment déficitaire du temps, avec son inévitable conséquence : le manque de prophètes et, implicitement, le manque de héros.[...]

Les Français se sont usés par excès d'être . Ils ne s'aiment plus, parce qu'ils sentent trop qu'ils ont été. Le patriotisme émane de l'excédent vital des réflexes ; l'amour du pays est ce qu'il y a de moins spirituel, c'est l'expression sentimentale d'une solidarité animale. Rien ne blesse plus l'intelligence que le patriotisme. L'esprit, en se raffinant, étouffe les ancêtres dans le sang et efface de la mémoire l'appel de la parcelle de terre baptisée, par illusion fanatique, patrie.

Comment la raison, retournée à sa vocation essentielle-l'universel et le vide-, pourrait-elle encore pousser l'individu dégoûté d'être citoyen vers l'abêtissement des palabres de la Cité ? La perte de ses instincts a scellé pour la France un grandiose désastre inscrit dans le destin de l'esprit.

Si, au soir de la civilisation gréco-romaine, le stoïcisme répandit l'idée de "citoyen du monde" parce que aucun idéal "local" ne contentait l'individu rassasié d'une géographie immédiate et sentimentale, de même, notre époque-ouverte, en raison de la décadence de la plus réussie des cultures-aspirera à la Cité universelle, dans laquelle l'homme, dépourvu d'un contenu direct, en cherchera un lointain, celui de tous les hommes, insaisissable et vaste.

Lorsque se défont les liens qui unissaient les congénères dans la bêtise reposante de leur communauté, ils étendent leurs antennes les uns vers les autres, comme autant de nostalgies vers autant de vides. L'homme moderne ne trouve que dans l'Empire un abri correspondant à son besoin d'espace. C'est comme un appel à une solidarité extérieure dont l'étendue l'opprimerait et le libérerait en même temps. De quoi une patrie le nourrirait-elle ? Quand il porte tant de doutes, n'importe quel coin du monde devient un havre. [...]

L'arrachement aux valeurs et le nihilisme instinctif contraignent l'individu au culte de la sensation. Quand on ne croit à rien, les sens deviennent religion. Et l'estomac finalité. Le phénomène de la décadence est inséparable de la gastronomie. Un certain Romain, Gabius Apicius, qui parcourait les côtes de l'Afrique à la recherche des plus belles langoustes et qui, ne les trouvant nulle part à son goût, ne parvenait à s'établir en aucun endroit, est le symbole des folies culinaires qui s'instaurent en l'absence de croyances. Depuis que la France a renié sa vocation, la manducation s'est élevée au rang de rituel. Ce qui est révélateur, ce n'est pas le fait de manger, mais de méditer, de spéculer, de s'entretenir pendant des heures à ce sujet. La conscience de cette nécessité, le remplacement du besoin par la culture-comme en amour-est un signe d'affaiblissement de l'instinct et de l'attachement aux valeurs. Tout le monde a pu faire cette expérience : quand on traverse une crise de doute dans la vie, quand tout nous dégoûte, le déjeuner devient une fête. Les aliments remplacent les idées. Les Français savent depuis plus d'un siècle qu'ils mangent. Du dernier paysan à l'intellectuel le plus raffiné, l'heure du repas est la liturgie quotidienne du vide spirituel. La transformation d'un besoin immédiat en phénomène de civilisation est un pas dangereux et un grave symptôme. Le ventre a été le tombeau de l'Empire romain, il sera inéluctablement celui de l'Intelligence française. [...]

Un pays tout entier qui ne croit plus à rien, quel spectacle exaltant et dégradant ! Les entendre, du dernier des citoyens au plus lucide, dire avec le détachement de l'évidence : "La France n'existe plus", "Nous sommes finis", "Nous n'avons plus d'avenir", "Nous sommes un pays en décadence", quelle leçon revigorante, quand vous n'êtes plus amateur de leurres ! Je me suis souvent vautré avec volupté dans l'essence d'amertume de la France, je me suis délecté de son manque d'espoir, j'ai laissé rouler mes frissons désabusés sur ses versants. Si elle a été, des siècles durant, le coeur spirituel de l'Europe, l'acceptation naturelle du renvoi à la périphérie l'enjolive maintenant d'une vague séduction négative. Pour qui recherche les déclivités, elle est l'espace consolateur, la source trouble où s'abreuve la fièvre inextinguible. Avec quelle impatience ai-je attendu ce dénouement, si fécond pour l'inspiration mélancolique ! L'alexandrinisme est la débauche érudite comme système, la respiration théorique au crépuscule, un gémissement de concepts-et le moment unique où l'âme peut accorder ses ombres au déroulement objectif de la culture... »

« De la France », de Cioran, L'Herne, 96 pages, 9,50 E.

mardi 19 mai 2009

Allemagne : plongeon historique du PIB

Indicateur

Allemagne : plongeon historique du PIB

CPE - 18/05/2009 12:50:00

Source : ECOWIN

PIB, variation annuelle en %.

Début d'année catastrophique pour l'économie allemande. Entre le quatrième trimestre 2008 et le premier trimestre 2009, le produit intérieur brut a ainsi chuté de 3,8%. C'est la plus forte chute depuis 40 ans. L'Allemagne qui a bâti son modèle de croissance sur les exportations a été frappé de plein fouet par l'effondrement du commerce mondial, alors que la consommation des ménages n'avait déjà plus de ressort depuis des années. Mais l'Allemagne, qui a davantage souffert que ses partenaires, pourrait redémarrer plus rapidement du fait de sa plus grande exposition aux pays émergents, notamment asiatiques.

lundi 18 mai 2009

Les engagements de Fillon !

Dans une interview au Figaro, le premier ministre assure notamment que la fiscalité n'augmentera pas. Ses relations avec le président, les universités, la réforme de l'hôpital… Tour d'horizon de ses propos les plus marquants.

-La conjoncture : « Quelques éléments positifs permettent de croire (…) à une reprise lente en Europe en 2010. En France, l'inflation est très basse, la consommation résiste bien et les banques demeurent solides. Ce sont des signaux encourageants, mais rien n'est encore gagné, et nous ne sommes pas à l'abri de nouveaux à-coups ».

- Le déficit : «Nous acceptons l'idée d'un creusement du déficit dans les conditions économiques que nous connaissons. Personne en Europe ne reviendra à l'équilibre en 2012. Mais je prépare un budget 2010 avec l'ambition et la volonté de réduire les dépenses de l'Etat».

- Les impôts : « Nous n'augmenterons pas les impôts : c'est contre-productif en période de récession, car cela pèse sur la consommation, et c'est dangereux si la situation s'améliore, car cela risque de freiner la reprise».

- La réforme de l'hôpital : « L'équilibre auquel nous sommes parvenus est le meilleur qui puisse être trouvé. Le gouvernement ne bougera plus de cette ligne».

- Les universités : « Nous n'accepterons jamais que les examens soient bradés (…) Là où la situation reste tendue, j'ai demandé à Valérie Pécresse d'étudier deux solutions : un report des examens en septembre et l'organisation des épreuves en dehors de l'enceinte des universités bloquées. »

- Les européennes : « Ce scrutin se déroule dans un contexte totalement inédit. (…) Pour la première fois, le débat européen est concentré sur la réponse que l'Europe doit apporter à la mondialisation, c'est-à-dire sur l'Europe efficace. Cette Europe politique, à laquelle personne ne croyait dans le passé, est devenue crédible grâce à la présidence française. Mais aussi, il faut le dire, à la présidence allemande ».

- La campagne du Parti socialiste : « La gauche reste très divisée même si le PS s'est mis d'accord sur un texte de façade ».

- Ses relations avec Nicolas Sarkozy : « Je suis dans une relation de confiance totale avec le président de la République». « Ce travail, pour lequel le président m'a choisi, je m'y consacre entièrement sans penser à mes lendemains. »

- Les ministres d'ouverture : François Fillon s'est déclaré favorable à une «amplification» de l'ouverture de son gouvernement. « C'est une vieille conviction chez moi : les vieux clivages politiques ont volé en éclats. L'intuition du président était la bonne. L'idée d'associer des hommes et des femmes qui n'ont pas les mêmes convictions permet à un gouvernement et à une majorité d'éviter l'enfermement et la tentation du sectarisme »

- François Bayrou : «Sa démarche, qui consiste à être dans un dénigrement systématique, j'estime qu'elle le décrédibilise. Il tombe dans les mêmes travers que le Parti socialiste. »

- Dominique de Villepin : « Il a eu des jugements parfois excessifs. Quand il juge le climat social en France prérévolutionnaire, il se laisse emporter par le goût des formules. »

- Christine Lagarde commissaire européen ? : « Christine Lagarde a comme caractéristique de pouvoir occuper beaucoup de fonctions. C'est la raison pour laquelle je souhaite qu'elle continue d'être ministre de l'Économie »

Lire - Lagarde bientôt commissaire européenne à la concurrence ?

LIRE EN INTEGRALITÉ L'INTERVIEW DU PREMIER MINISTRE

«Je n'accepterai à aucun prix une hausse de la fiscalité»

«Le gouvernement ne bougera plus sur l'hôpital»

«Bayrou tombe dans les mêmes travers que le PS»

L'éditorial de Claude Imbert - Sarkozy II

Le cours, encore énigmatique, de la grande crise importe plus que le bilan d'un sarkozysme mutant. Du moins voit-on que cette crise accouche déjà d'un paradoxe : elle confirme l'impopularité du président, mais redresse plutôt sa stature présidentielle.

Un fort courant d'opinion, accru par la détresse sociale, le tient pour responsable des malheurs de la Nation. Mais cette majorité composite, vaguement consciente que ces malheurs viennent surtout d'ailleurs, se dit qu'après tout, dans ces passes dangereuses, il n'est pas le plus mauvais pilote. Réflexe légitimiste ? Inanité de l'opposition ? Oui, sans doute ! Mais il y a plus : la crise a changé la fonction, et le regard qu'elle inspire. Elle plombe la présidence Sarkozy du poids des misères publiques. Mais elle leste sa fonction d'une gravité nécessaire. La crise, en somme, sied à Sarkozy.

Un brutal précipité historique fait-ou ne fait pas-d'une figure politique un homme d'Etat. Il révèle sa trempe. Sous le faire-savoir le savoir-faire, et sous la forme le fond. Sarkozy n'est pas au bout de l'épreuve. Mais du moins lui ôte-t-elle une défroque déplorable et qui lui nuit encore.

Dans la volière politique française, Sarkozy est un merle blanc. Son ramage a d'abord séduit, puis déconcerté, puis déplu. Parti, fleur au fusil, dans les fanfares de la « rupture », sa vie privée, d'emblée, orne son avènement d'une pavane imprudente. Féru de « transparence », il expose à la caricature une euphorie juvénile, une épate pour les réussites, à commencer par la sienne, et celles de l'argent. Il s'encombre d'une caracole de symboles-Fouquet's, yacht et 18 carats-plus prisés à Neuilly qu'à Romorantin.

Le vieux pays renaude, déprise, lui, cet étalage et son bling-bling, le saugrenu de ses manières, sa débonnaireté New Age, son parler familier parfois jusqu'au déglingué. Et puis bientôt, autour de lui, ce grenouillis de cour avec ses grâces et disgrâces. Alors, le conservatisme atavique reprend le dessus, s'essouffle devant le tourbillon de réformes qui se bousculent l'une l'autre. Bref, la déception se répand avec, chaque jour, son bourdon médiatique, lequel fait les glorioles et défait la gloire... Fichue pente !

Mais voilà que dégringole la crise ! Et là, pour le coup, l'Histoire virant tragique, fini la comédie : du Sarkozy à son meilleur ! Contre le cyclone financier il déploie un art tout d'exécution : coup d'oeil, prestesse, énergie ! Avec le G20, dressé à la va-vite contre la catastrophe alors imminente, avec l'embarquement à la hussarde d'une Europe en peau de lapin, Sarkozy tape juste et fort. Sous l'agitation, voici le sang-froid, sous le profus l'opiniâtre.

Le tort, aujourd'hui, des caciques de l'opposition, c'est de faire de l'antisarkozysme forcené leur drogue. Tort de cibler un profil, le sarkozysme pétulant première manière, comme s'il engageait à jamais le fond. De faire d'un homme qui n'est pas « leur genre » un fossoyeur de la République. Vue basse et mauvaise pioche !

Car, avec cette crise qu'il affronte en bonapartiste affranchi de tout préjugé - y compris des siens -, Sarkozy galope ailleurs. Virtuose du contrepied, le libéral devient, pour le sauve-qui-peut financier, le premier des étatistes. Le serviteur présumé du Veau d'or se fait contempteur des patrons dorés sur tranche. L'europhile du « oui » à l'Europe déblatère contre la technocratie de Bruxelles comme un militant du « non ». Et, contre le machisme ronronnant de la classe politique, contre la xénophobie sournoise, le supposé « réac » impatronise la parité et la diversité...

Bref, il bouge tant qu'à le critiquer en tout et sur tout l'opposition perd le nord. Elle conteste les emplâtres, made in gauche, sur les plaies rouvertes du chômage. La voici réduite à dénoncer-rengaine éculée-le viol des libertés publiques par un pouvoir... qui renforce le rôle du Parlement. A soutenir, sans y regarder de près, les résistances corporatistes de nos chers mandarinats, celui de la magistrature, de l'hôpital public et des grands clercs sombrant dans l'anarchie d'universités suicidaires. La voici cherchant quel pamphlétaire pourrait crucifier Sarkozy comme jadis Mitterrand clouant-une honte !-de Gaulle en despote du « coup d'Etat permanent »... Bel exploit, en vérité, qui fait du pilori le seul piédestal de la succession !

Sarkozy, c'est entendu, n'a pas sauvé la France, il la secoue. Les sondages dégoulinent de nostalgie pour Mitterrand et Chirac, qui auront bercé, vingt-cinq ans durant, une longue sieste nationale. Il y a certes beaucoup à regretter quant à la méthode Sarkozy, dans l'incontinence du verbe, l'absence d'un cap, d'une direction lisible et cadrée. Trop souvent Sarkozy balade en vain le gouvernement, le Parlement et l'opinion, à perdre haleine, et du four au moulin. Du moins est-ce une France réveillée qui abordera la sortie de crise. Tant mieux !

dimanche 17 mai 2009

Deux ans à l'Élysée...


Droit de regard

Catherine Nay, le 14-05-2009
Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy était élu président de la République. Une bonne occasion de revisiter l’histoire. Après deux années passées à l’Élysée, où en étaient ses prédécesseurs ? Pour Valéry Giscard d’Estaing, ce laps de temps marque une double rupture. Politique : le divorce avec son premier ministre. Jacques Chirac cla­que la porte de Matignon en août 1976 puis transforme l’UDR en RPR, un parti à sa botte. Du jamais vu !

Économique : Raymond Barre ar­rive à Matignon. Pour freiner l’inflation qui tourne autour de 13 %, les impôts sont majorés. Tout aug­mente : l’essence, l’élec­tricité, le gaz, les tarifs SNCF. Le choc pétrolier de 1973 a signé la fin des Trente Glorieuses, le chô­mage grimpe, le franc est dévalué. La gauche rem­porte les cantonales de mars 1976. Dur, dur !

1981, élection de François Mitterrand. C’est l’euphorie de la vague rose. Au programme, la relance par la consommation. Toutes les vannes de la dépense sont ouvertes. Smic : + 10 %, allocations familiales : + 25 %, allocations vieillesse : + 20 %. On augmente le nombre des fonctionnaires (près de 600 000). On passe aux 39 heures payées 40, à la cinquième semaine de congés payés. On relance la production de charbon, on rouvre des mines, on réembauche 8 000 mineurs qu’on ira chercher au Maroc.

4 octobre 1981, première dévaluation du franc. Un an plus tard, les caisses sont vides. Premier plan de rigueur. Les salaires ne seront plus indexés sur la hausse des prix (une mesure courageuse). Les déficits s’accumulant, la France devient le premier emprunteur sur les marchés internationaux. La dette s’installe en France. On n’en est jamais sorti.

Deux ans plus tard, deuxième plan de rigueur. La gauche subit une défaite aux municipales. C’est l’heure des révisions drastiques. Tous les tarifs sont relevés (gaz, électricité, SNCF). On crée le forfait hospitalier. On prélève 1 % sur tous les revenus imposables.

La consommation des ménages est durement frappée. On ferme les mines. « Le socialisme n’est pas ma bible », explique doctement François Mitterrand. Un an plus tard, en 1984, retour des États-Unis, il se convertit au libéralisme et aux vertus du profit. Un cas unique de virage politique à 180 degrés.

Et Jacques Chirac ? À la troisième tentative, il est élu sur le thème de la “fracture sociale”. Un pro­gramme d’assistanat so­cial qui est l’inverse de celui d’Édouard Balladur, qui entend réduire les déficits. Six mois plus tard, le 26 octobre, ceux-ci sont tels que la France risque de rater son entrée dans l’euro.

Jacques Chirac, qui re­connaît les avoir sous-estimés, n’a plus qu’un mot à la bouche : économies. Deux ans plus tard, l’économie va mieux, la croissance est en vue, mais une note de Bercy a convaincu Alain Juppé, le premier ministre, et Dominique de Villepin, le secrétaire général de l’Élysée que, sans un nouveau tour de vis, la France ne pourra se qualifier pour l’euro. D’où l’urgence de brusquer les échéances. Jacques Chirac, qui se laisse convaincre, explique à la télévision qu’au lendemain des législatives, il poursuivra la même politique avec le même premier ministre (l’impopulaire Juppé). Résultat : la berezina. Lionel Jospin s’installe à Matignon pour cinq ans…

Comme quoi, l’étude du passé permet de relativiser le présent.

La droite moins malade que la gauche !

Baromètre mensuel -"Valeurs actuelles". L'opinion des Français sur l'action du président de la République et sur l'opposition.

Les Français estiment qu’on aggrave la crise en en parlant trop. Résultat : la confiance dans la gauche est encore moindre que celle exprimée en faveur de Sarkozy.

A moins d’une surprise ma­jeure aux élections européennes du 7 juin, la crise ne profite à personne. Et sur­tout pas à la gauche, dont le crédit n’a jamais été aussi bas à la bourse de l’alternance.

C’est dire si Martine Au­bry a du souci à se faire : elle, qui, comme tous les leaders de gau­che eu­ro­­péens, aurait pu espérer ti­rer parti des élections européennes, doit se résigner à l’inévitable. Si 54 % des Français ne se reconnaissent pas dans l’action de Nicolas Sarkozy (+ 3 % par rapport à mars selon notre baro­mètre), 57 % se méfient de l’opposition que son parti ­incarne au Parlement. Sept points de plus en deux mois selon le même indicateur…

C’est finalement un raccourci de ce qui semble, à en croire tous les son­dages, se préparer à l’échelle du continent : une droite confirmée dans ses orientations malgré l’ébranlement général du système libéral provoqué par la crise !

De Londres à Rome en passant par Berlin, pas une étude d’opinion ne contredit ce constat : alors que la fail­lite de Wall Street aurait dû conforter les anticapitalistes de tout poil, la gauche mondiale est dans les choux.

À l’exception d’Obama, dont l’élection participe d’une alchimie antérieure à la crise (liée, pour une large part, à la politique extérieure de George Bush), tous les pronostics vont dans le même sens : les conservateurs ont le vent en poupe en Grande-Bretagne, de même que Silvio Berlusconi en Italie et que les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel outre-Rhin.

Victoire du pragmatisme sur l’habileté ? Alors que les gauches européennes s’étaient ingéniées, de­puis dix ans, à ne point pa­raître “archaïques” en s’abstenant de critiquer le marché (voir Tony Blair !), c’est la droite qui, confrontée au choc de la crise, réhabilite l’intervention de l’État, la nécessité d’une péréquation sociale ré­paratrice des distorsions de la concurrence et l’exigence d’une « régulation de la ­finance mondiale » (dixit Nicolas Sar­kozy, le 5 mai, à Nîmes).

“Besoin d’État”, exigence de protection européenne : qu’on la juge sincère ou non, c’est la droite qui, aujourd’hui, réha­bi­lite ces desiderata, tandis que la gauche, quand elle n’est pas au pouvoir, et l’extrême gau­che, partout, s’ingénient à souffler sur les braises.

Avec le résultat que l’on constate : seuls 36 % des Français estiment aujourd’hui que l’opposition ferait mieux que la droite si elle était aujour­d’hui aux commandes.

Et pas seulement dans l’électorat “conservateur” traditionnel : c’est ce que pensent aujourd’hui 61 % des employés et 54 % des ouvriers, mais aussi 50 % des chômeurs, catégories qui, jusqu’alors, votaient majoritairement à gauche…

Ceux qui soufflent sur les braises s’exposent au discrédit…

D’où le principal enseignement de notre sondage : si 71 % des personnes interrogées estiment que la crise n’est pas finie – qu’elle se stabilise (31 %) ou qu’elle s’aggrave (40 %) avant que la situation s’améliore –, 56 % pensent que les médias ont tort de trop en parler. Comme si une majorité de Français avaient saisi le caractère psychologiquement délétère du catastrophisme…

D’où, aussi, une prime au volontarisme qui, en France, profite au pou­voir en place, mais aussi aux opposants “raisonnables” (type François Bayrou ou Philippe de Villiers), qui persistent à dénoncer l’ampleur des déficits et les dangers d’un endettement excessif. Tandis que ceux qui, à gauche, prônent une relance par la consommation (le PS) ou un embrasement social (Besancenot) s’exposent à passer pour des irresponsables.

Même paradoxe face à la monnaie européenne : alors que, dans les mi­lieux dits “informés”, il n’est question que de possibles sécessions au sein de la zone euro (celles de la Grèce ou de l’Italie, par exemple, inca­pables de respecter les disciplines de Maastricht), 71 % des Français consi­dèrent l’euro comme un atout pour l’économie française. Y compris chez les électeurs “souverainistes” (83 %), à peine moins nombreux que ceux de l’UMP (86 %) à partager ce point
de vue, les plus dubitatifs étant les sympathisants du Front national, qui estiment à 52 % que l’euro constitue un handicap.

« Que sept Français sur dix estiment que l’appartenance à la zone euro consti­tue “plutôt un atout” pour l’économie française confirme l’inanité de la thèse d’un basculement de l’opinion dans une contestation tous azimuts », observe le directeur d’Isama, Jérôme Sainte-Marie, qui estime que les Français, malgré les tensions sociales, ont une lecture modérée de la crise.

Il insiste : « Que les trois quarts ­d’entre eux considèrent que la dégradation de la situation économique va perdurer quelque temps, puis le cours des choses s’inverser, contre un quart seulement estimant qu’elle ne s’améliorera pas avant longtemps constitue un élément appréciable pour nuancer le pessi­misme souvent invoqué des Français. »

Ce refus du catastrophisme suffira-t-il à conduire une majorité de Français aux urnes, le 7 juin prochain ?

Européennes : l'UMP à 28%, le PS à 22% !

L'UMP est en tête des intentions de vote pour les élections européennes du 7 juin, avec 28% (+1), devant le PS avec 22% (-3), selon un sondage CSA pour Le Parisien paru dimanche. Le MoDem arrive en troisième position avec 13% des voix (+1) suivi d'Europe Ecologie, 10% (inchangé). Le Front national recueille 6% des voix (-2). La liste Libertas (MPF-CPNT) obtient 5% (inchangé).

A l'extrême gauche, le NPA recueille 5% des intentions de vote (- 2) et la liste Front de Gauche (PC-Parti de Gauche) 4% (+1), Lutte ouvrière obtient 2% (inchangé). L'Alliance écologique indépendante 2%.

Par ailleurs, 81% des personnes interrogées jugent que la construction européenne a des effets positifs sur les infrastructures (routes..) et 78% sur le préservation de la paix. Seules 34% jugent que l'Europe a des effets positifs sur l'emploi.

Ce sondage a été réalisé par téléphone les 13 et 14 mai au domicile des personnes interrogées. Echantillon national représentatif de 1.003 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d'après la méthode des quotas. Notice détaillée disponible auprès de la commission nationale des sondages.

Nicolas Sarkozy : un second souffle ?


TRIBUNE - L'écrivain Jean d'Ormesson, de l'Académie française, dresse un bilan des deux ans de la présidence de Nicolas Sarkozy et brosse un tableau de la situation politique française.

Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy était élu président de la République avec une large avance sur Ségolène Royal. Il célébrait le travail, la réussite, le retour de la France au premier plan des nations. Il enflammait les foules. Il rendait confiance aux Français découragés. Tout semblait lui sourire. Les acclamations montaient vers lui. Deux ans plus tard, il est passé des sommets de la popularité aux abîmes de l'impopularité : d'un peu moins de 60 % à un peu plus de 30 %. Une chute de moitié ou presque. Une baisse en tout cas de l'ordre de vingt-cinq points. Que s'est-il passé ?

• Une descente aux enfers

Allons vite. Deux choses surtout : d'abord, il n'était pas rond, il ne fumait pas la pipe, il n'était pas radical-socialiste, il n'était pas sensible à la beauté de La Princesse de Clèves, il aimait trop ce qui brille, il s'était rendu successivement au Fouquet's et sur un yacht de luxe au lieu de faire retraite dans un couvent, il était nerveux, super-actif, impulsif, et on le traitait de bling-bling ; et puis, par vagues successives, est arrivée d'Amérique la crise la plus sévère depuis le jeudi noir de 1929. Dès la fin de 2007, la popularité du président fléchit pour des raisons surtout privées et qui lui sont imputables ; dès la rentrée de 2008, le système bancaire se déglingue un peu partout, l'économie mondiale vacille, et il n'y est pour rien. Sarkozy était victime du Fouquet's et de Madoff. Il payait cher ses propres erreurs et les méfaits des autres.

César le savait déjà, il y a un peu plus de deux mille ans : les Français sont difficiles à gouverner. Et ils sont changeants. Regardez les chiffres : un ou deux ans après leur élection, les trois derniers présidents de la République, Giscard, Mitterrand, Chirac, ont connu aussi une baisse importante de leur popularité. Et la crise économique emporte tout sur son passage. Il n'est pas légitime de tirer argument de ce qui n'a pas eu lieu. Il est pourtant permis de se demander - et à gauche et à droite - où le pays en serait aujourd'hui si Ségolène Royal avait été élue, il y a deux ans, à la place de Nicolas Sarkozy.

Tout va mal partout. Tout le monde souffre et se plaint partout. En Angleterre, le travailliste Gordon Brown est dans une situation bien pire que Sarkozy. Le chômage frappe l'Espagne du socialiste Zapatero plus durement que la France de Sarkozy. N'empêche. Les choses vont moins bien en France pour Sarkozy qu'en Amérique pour Obama, acclamé de toutes parts ; où qu'en Italie pour Berlusconi, encore étonnamment populaire. Un étranger, peu au courant des affaires françaises, qui arriverait à Paris comme les Persans de Montesquieu pour tomber sur les grèves et les manifestations, qui écouterait la radio, qui regarderait la télévision, qui jetterait un coup d'œil sur les hebdomadaires, considérerait à coup sûr la chute de Sarkozy comme inéluctable. Il pourrait même se demander si elle n'est pas imminente.

• Les atouts du président

Deux ans après son élection, la force de Sarkozy réside peut-être seulement dans la faiblesse de ses adversaires. Longtemps, la France a été le pays d'une dispersion politique qui allait jusqu'à l'atomisation. Il y avait dans ce pays autant de partis politiques que de fromages. À force de vivre dans ce système, son remplacement par une bipolarisation à l'anglaise ou à l'américaine est passé presque inaperçu. Le Parti communiste, naguère si puissant, qui a même été, un temps, le premier parti de France, n'existe plus. Le Parti radical, longtemps cœur de la nation, s'est pour ainsi dire infusé dans les autres partis : Giscard était radical par opposition au gaullisme, Chirac était radical par fidélité au gaullisme, et, en fin de compte, le socialiste Mitterrand était radical lui aussi. La droite, traditionnellement divisée, a été rassemblée et unifiée par Sarkozy - c'est même ce que la gauche et une frange de la droite lui reprochent le plus vivement. Il n'y a plus que deux forces en France comme dans la plupart des démocraties : l'UMP et le Parti socialiste. Et le Parti socialiste est en mauvais état. Ce ne sont pas ses adversaires qui dénoncent la décadence du Parti socialiste. Ce sont ses propres partisans et, plus étrangement encore, ses propres dirigeants qui n'en finissent pas de s'en désoler bruyamment. Les choses en sont parvenues à un tel point que, par un paradoxe merveilleusement français, la dégringolade du Parti socialiste, loin de réjouir le parti du président, commence à l'inquiéter sérieusement.

• Une double impopularité

Deux ans après l'élection de Sarkozy, la situation est assez simple. Pour impopulaire qu'il soit - aux yeux au moins des médias qui n'en finissent pas de résonner de cette impopularité -, Nicolas Sarkozy n'a plus d'adversaire. Il n'en a pas, bien sûr, à droite, malgré Dominique de Villepin qui croit, plus que Besancenot, plus que les communistes et plus que Martine Aubry, à une révolution imminente. Mais, bizarrement, il n'en a plus à gauche. Les choses, naturellement, peuvent changer du tout au tout en trois ans. Mais, aujourd'hui, ni Ségolène Royal, ni Martine Aubry, ni Dominique Strauss-Kahn, ni, bien sûr, Laurent Fabius, ni personne ne représente un danger réel pour Nicolas Sarkozy. Si l'élection se déroulait demain, le président, au comble de l'impopularité, aurait pourtant de bonnes chances d'être réélu. Oui, Nicolas Sarkozy a cessé d'être populaire. Il est peut-être franchement impopulaire. Mais ses adversaires le sont encore plus que lui.

• Le seul à droite

C'est là que le destin risque de tourner sur ses gonds. La faiblesse du Parti socialiste, loin d'être une chance pour le président, est plutôt un drame pour lui comme pour tout le monde - ou pour presque tout le monde. Le danger pour Sarkozy est que l'effondrement du Parti socialiste permette à François Bayrou, qui avait été troisième il y a deux ans, d'être deuxième dans trois ans.

Quelle est la ligne politique de Bayrou ? Le moins qu'on puisse dire est qu'elle est floue. Est-il à droite ? Est-il à gauche ? Qui le sait ? Personne. Et peut-être pas lui-même. C'est sa force. Et sa faiblesse. Beaucoup de gens de droite pensent qu'il est passé à gauche. Mais beaucoup de gens de gauche sont persuadés qu'il est resté à droite. La vérité est qu'il essaie simplement de grappiller des voix et à droite et à gauche. Il est l'héritier de Lecanuet qui était l'adversaire du général de Gaulle ; il est l'héritier de Poher qui était l'adversaire de Pompidou. Et, héritier avec évidence des adversaires du gaullisme, il est l'allié de Villepin qui est l'héritier du gaullisme. L'ambiguïté règne avec une clarté éclatante sur la démarche de Bayrou qui n'a pas d'autre ambition et pas d'autre programme que de devenir président à la place du président. Il ne sort de cette ambiguïté que sur un seul point, qu'il partage avec Villepin, et qui est décisif chez presque tous ceux qui se disent ses partisans : la détestation presque physique de Sarkozy. Cette détestation est le ressort à peu près unique et fort bien formulé de son livre de combat : Abus de pouvoir où une absence d'idées et de propositions est dissimulée avec talent sous le ressentiment.

Le calcul de Bayrou est simple : s'il arrive deuxième à l'élection présidentielle dans trois ans, la gauche tout entière sera contrainte de voter pour lui contre Sarkozy. Arrivé second en 2002, Le Pen n'a pas réussi à l'emporter contre Chirac parce qu'il se situait à sa droite. Se situant à la gauche de Sarkozy, Bayrou espère l'emporter contre lui à l'élection de 2012. On voit le sort cruel des socialistes affaiblis par la montée de Besancenot comme la droite avait été affaiblie naguère par la montée de Le Pen : les voilà menacés d'être contraints à voter demain pour Bayrou comme ils avaient été contraints hier à voter pour Chirac.

Dans ce jeu d'enfer, Sarkozy, en mauvaise position apparente, joue pourtant sur du velours. Malgré Villepin et les siens qui le poursuivent de leur vindicte, il est le seul à droite - et, au lieu d'avoir à sa gauche et au centre un adversaire unique et puissant, il en a deux qui se détestent et se méfient l'un de l'autre, François Bayrou et le Parti socialiste.

• Trois ans pour convaincre

Beaucoup de périls nous menacent aujourd'hui : la grippe porcine, peut-être déjà en recul ; un chômage que Sarkozy avait fait baisser de façon spectaculaire et qui s'est remis à grimper comme partout, avec toutes les souffrances qu'il entraîne ; les réformes qui patinent parce que tous les Français les veulent pour les autres et que chaque Français les refuse pour lui-même ; la crise surtout qui frappe le monde entier et qui bouleverse l'économie. Sur tous ces points, qui échappent pour la plupart au contrôle de qui que ce soit, Nicolas Sarkozy fait ce qu'il peut, et plutôt moins mal que les autres. Comment ne pas comprendre, comment ne pas partager la colère de ceux qui manifestent par crainte de perdre leur travail et de voir baisser leur niveau de vie ? Et comment ne pas constater en même temps que les racines de tous les maux qui fondent sur nous sont à chercher dans cette crise mondiale dont les effets finiront bien par s'estomper.

Tout dépend désormais de Sarkozy, de ce qu'il va vouloir, de ce qu'il va faire. Son destin personnel. Et le sort du pays. Il lui faut un nouveau souffle. Après avoir réussi avec éclat à rassembler la droite, il reste trois ans à un président éminemment pragmatique, devenu par la force des choses un négociateur hors pair, pour convaincre ce pays dont de Gaulle pensait qu'il n'était ni de droite ni de gauche, mais qu'il était la France. C'est la grâce qu'on lui souhaite. Ses adversaires n'y croient pas. Ses partisans lui font confiance. L'avenir tranchera.

Deux ans après, la sérénité affichée de Sarkozy !

Le deuxième anniversaire de sa victoire à l'élection présidentielle.

Le président n'aime pas les anniversaires. Ce sont des «gadgets de journalistes», maugrée-t-il souvent. Mais il paraît plus que souriant, alors que la presse s'apprête à souffler les deux bougies du quinquennat à sa place. Ceux qui le croisent ces temps-ci tombent sur un homme indifférent aux polémiques qui se sont succédé après les propos qu'on lui a prêtés, sur Barack Obama ou José Luis Zapatero. Un président sans états d'âme. Il recevait il y a quelques jours le fondateur et rédacteur en chef d'El Pais, Juan-Luis Cebrian. Nicolas Sarkozy a fait une tout autre impression que celle qui surnageait ces derniers jours dans la presse internationale au patron du journal de la gauche espagnole : «J'ai vu le président français plus solide, plus tranquille, plus sûr de lui, plus décidé que jamais à appliquer ses réformes. Plus satisfait également.» Reflet de ce nouvel état d'esprit, Sarkozy a confié récemment à un ministre de ses amis : «Mes ambitions personnelles sont assouvies, je n'ai plus que des ambitions collectives.» Comme si le chef de l'État goûtait, deux ans après son arrivée à l'Élysée, un moment d'accalmie avant le retour de la tempête.

«Je ne me contorsionne pas. Je suis en phase avec le pays. Mon rôle est d'être un point fixe et un repère, de mettre de la perspective», confiait-il au Figaro la semaine dernière. Plusieurs fois, Nicolas Sarkozy a repris ce terme, pour souligner qu'il ne se sentait pas obligé, crise oblige, de renier ce qu'il était ou ce qu'il croyait. Pourquoi cet accès de sérénité après une année passée sur le pont, à essuyer les paquets d'eau salée ? «Il a le sentiment qu'il a atteint son plancher dans l'opinion, qu'il ne descendra pas tellement plus», explique l'un de ses proches. Ce visiteur du soir raconte que Nicolas Sarkozy a découvert avec délice, en fin de semaine dernière, le sondage du journal Sud-Ouest qui lui donnait 28 % des suffrages au premier tour de l'élection présidentielle - soit seulement trois points de moins qu'en 2007. Ségolène Royal ne récoltant que 20 % des voix, un tout petit point devant François Bayrou, toujours en embuscade. «Les Français ont vu clair dans le jeu de Ségolène Royal», sourit un conseiller du président. Ce n'est pas seulement sa cote de confiance dans l'opinion, c'est aussi l'état du pays que Nicolas Sarkozy juge finalement moins inquiétant que prévu. «On ne cesse de me prédire la catastrophe. Le 14 juillet 2008, ce devait être la révolte des armées, puis on m'a annoncé les banlieues à feu et à sang», répète-t-il sans cesse à son entourage, à la veille de la manifestation du 1er Mai.

Pour étayer cet optimisme à contre-courant, Nicolas Sarkozy rappelle volontiers la situation dans laquelle se trouvaient ses prédécesseurs deux ans après leur accession au pouvoir. «En 1983, Mitterrand était au fond du trou. En 1997, Chirac aussi. En 2004, nous avons été laminés aux européennes», confie le chef de l'État. Il estime donc qu'il a réussi, pour le moment, à passer entre les gouttes de la pire crise depuis 1929, sans entamer son capital de confiance auprès de son électorat. Alors qu'on peut trouver dans les kiosques le libelle du caricaturiste Siné, qui interpelle le président en titrant «Pauvre con», ce dernier répond à cette insulte comme aux dénonciations pour «abus de pouvoir» venues de Bayrou ou d'autres : «Ça ne me plaît pas d'être insulté. Je n'ai volé personne. Je me suis construit patiemment. Je suis quelqu'un d'honnête. C'est injuste, mais je continue à tracer mon chemin.»

«Il a appris la gravité des choses»

Nicolas Sarkozy a donc décidé de ne pas céder sur les trois ou quatre thèmes qui sont stratégiques pour les 40 % de Français qui le soutiennent toujours. «J'ai des convictions très fortes, j'ai une ligne, je peux me tromper, mais je m'y tiens», explique-t-il au Figaro. Ayant reçu d'Édouard Balladur ou Alain Juppé le conseil d'augmenter momentanément les impôts pour les ménages les plus aisés, il a refusé net. «Je ne bougerai pas sur la fiscalité. Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts, mais pour réduire le coût du travail - nous préparons toujours la suppression de la taxe professionnelle», explique-t-il. De même, il se refuse à supprimer les exonérations de charges pour les heures supplémentaires, le service minimum - «La France n'est plus paralysée pendant les grèves», se félicite-t-il. «L'été approche, les grandes vacances aussi, le moment de la grande grève est passé», juge un interlocuteur du chef de l'État. «Il sait que s'il bouge sur les fondamentaux de son électorat, il est mort», conclut ce dernier. «Sarkozy incarne toujours quelque chose aujourd'hui, comme en mai 2007», estime l'un de ses proches conseillers : «la réforme».

Bouclier fiscal, sécurité, heures supplémentaires, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et travail le dimanche sont donc les bornes du sarkozysme, même par temps de crise. Il envisage même une sortie du tunnel moins laborieuse que prévu : «La crise a été très brutale. Du même coup, on peut espérer que la reprise sera aussi brutale. Objectivement, la France souffre moins que nos voisins», estime-t-il.

Le chef de l'État déteste faire des bilans d'anniversaire, mais son entourage observe qu'«il a forcément changé». «Il a appris la gravité des choses», résume un ministre, qui cite la guerre en Afghanistan , les prises d'otages au large de la Somalie. Selon ce ministre, il aura fallu un certain temps à Nicolas Sarkozy avant de s'habituer à «cette alchimie bizarre» qui fait le pouvoir présidentiel : «un mélange de recul et de gestion de l'immédiat. Il faut apprendre être très patient et très réactif».«Ma situation est particulière, je suis à la fois arbitre et acteur. La plupart de mes collègues, Merkel, Brown, Berlusconi, Zapatero et même Obama, ne connaissent pas cette dualité. En tant qu'arbitre, je dois pacifier, établir des équilibres et, comme acteur, je suis obligé de prendre des initiatives pour construire», confiait encore Sarkozy au journal El Pais pour justifier la difficulté du réglage.

«Il y a une différence entre la gestion d'un moment de l'actualité et le sillon que l'on trace dans la durée», résume son conseiller en communication, Franck Louvrier. Peu à peu, Nicolas Sarkozy a fait l'apprentissage de la prérogative principale du président, qui est le «maître du temps». «Qui se souviendra d'Hadopi ou de la loi OGM à la fin du quinquennat ?», demande un conseiller. Afin de montrer que la fébrilité liée à la découverte du «job de président» est aujourd'hui dissipée, Nicolas Sarkozy fait savoir clairement que le prochain remaniement n'est pas au cœur de ses préoccupations. «On ne répond pas à une crise économique par un changement de gouvernement», estime-t-il. Il est d'ailleurs conscient, comme le martèle François Fillon, que la stabilité et la continuité du gouvernement sont des arguments à l'attention de ses adversaires qui l'accusent d'être «brouillon et impulsif». «Le chef de l'État est conscient qu'il ne peut y avoir qu'un seul changement de gouvernement en un quinquennat», estime l'un de ses proches. Récemment interrogé sur le dossier Continental, par un proche, Nicolas Sarkozy a répondu : «Je ne sais pas. Je n'ai pas réponse à tout, un sujet après l'autre.» Une façon de rappeler qu'il ne veut pas se projeter tous azimuts dans tous les dossiers.

Autre exemple du nouvel état d'esprit du président : le Grand Paris. L'idée de mener à bien ce chantier pharaonique donne la mesure de l'ambition présidentielle telle qu'elle s'exprime ces temps-ci, à l'Élysée.

Deux ans après, Nicolas Sarkozy n'a pas non plus changé sur un point : il entend plus que jamais continuer l'ouverture. Il le sait : il ne gagnera pas la présidentielle de 2012 sans l'apport des voix du centre et de la gauche. Il juge sévèrement son attitude de boycott de la loi Internet, «c'est la rupture entre les créateurs et la gauche», ajoutant que «le PS ne peut pas défendre la régulation et s'y opposer». Raison de plus pour débaucher les talents. Il redouble aujourd'hui d'éloges à l'égard de Claude Allègre, tout comme Jack Lang. «Il ne pense qu'à 2012, sourit l'un de ses amis, parce qu'il veut aller jusqu'au bout de la réforme.»

En vue de 2012, Nicolas Sarkozy souhaite que les Français lui donnent quitus d'avoir conduit des réformes dont ils ont perçu les effets dans leur vie quotidienne. «Nous sommes dans un pays tellement complexe que le sentiment de réforme est difficile à faire apparaître. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il ne faut pas faire une réforme après l'autre, mais toutes en même temps. La baisse de la TVA dans la restauration, le RSA, la presse, le crédit impôt recherche, les peines planchers, la prime à la casse touchent à chaque fois des catégories différentes», philosophe un membre de son cabinet.

Plébiscité au côté d'Obama sur Facebook

Avant de s'envoler pour l'Espagne, Nicolas Sarkozy a pris connaissance d'une note que son cabinet lui a remise ces jours-ci. Elle explique comment la campagne lancée par le réseau social Facebook - qui vient de franchir le cap des 200 millions d'adhérents - a sélectionné quinze leaders d'opinion dans le monde - de la chanteuse Britney Spears au champion de natation Michaël Phelps - et, dans la catégorie des hommes politiques, seulement deux «influenceurs» (sic) : Barack Obama et Nicolas Sarkozy. «Il y a de la place pour tout le monde», avait lancé Nicolas Sarkozy à propos de Barack Obama au début du mois de janvier. Visiblement, Nicolas Sarkozy estime désormais s'être taillé sa place dans l'Olympe des chefs d'État qui influencent le cours de l'Histoire.