DEMOCRATIE

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samedi 5 décembre 2009

Notre opinion: Relevons le gant !

Joffre le disait déjà à la fin de 1914 : « Je ne sais pas qui a gagné la bataille de la Marne.Mais je sais bien qui l’aurait perdue. » Si les élections régionales de mars prochain sont gagnées par la droite,nombreux seront ceux qui s’attribueront le mérite de la victoire. En revanche, si la gauche maintient ses positions,Nicolas Sarkozy sera considéré comme seul responsable de la défaite. Il est donc légitime qu’il s’engage et donne le ton de la campagne du parti qui l’a porté au pouvoir.D’autant que ses adversaires de gauche n’en font pas mystère : ils comptent faire du prochain scrutin un “vote-sanction” contre le président de la République et son gouvernement. Nationaliser les élections régionales leur évitera d’avoir à défendre un piètre bilan et une augmentation vertigineuse des impôts locaux.

Les “sortants”, dans vingt régions sur vingt-deux, ont donc tout intérêt à déplacer le débat sur le terrain national en caricaturant l’action de la majorité et en exploitant le mécontentement des victimes de la crise. Relevons le gant ! Il est ridicule de prétendre, comme le porte-parole du parti socialiste Benoît Hamon,que le président se comporte en chef de parti plus qu’en chef d’État. Puisque ses adversaires, sans programme et sans unité, ont décidé de se rassembler pour discréditer l’action du gouvernement, son principal inspirateur se doit de venir défendre son bilan à mimandat et d’expliquer aux Français le sens de sa politique. Il est important aussi qu’il réaffirme sa volonté de tenir les engagements pris lors de la campagne présidentielle.

Quant à dire que Nicolas Sarkozy, en affirmant son choix dans un scrutin de cette importance, tourne le dos à la tradition républicaine française, c’est oublier que tous les chefs d’État sous la Ve République, à commencer par son fondateur le général de Gaulle, ont toujours fait connaître leur position quand il y avait un enjeu national.

L’enjeu, cette fois, c’est la poursuite des réformes pour permettre à la France de sortir plus forte de la crise mondiale. Même si ces réformes peuvent parfois paraître difficiles et qu’il serait plus facile d’y renoncer. Prenons par exemple la taxe professionnelle qui touche nos communes. Elle était critiquée par tous.Assise sur les outillages et les immeubles des entreprises, elle décourageait l’investissement et incitait à délocaliser.Personne en Europe n’avait un impôt aussi « imbécile », ainsi que l’appelait François Mitterrand. Et pourtant, personne n’avait osé le supprimer.

Nicolas Sarkozy l’a fait, suscitant l’inquiétude des collectivités locales qui ne savent pas encore avec précision de quelles ressources elles disposeront demain.Mais nos entreprises, qui en ont tant besoin face à la concurrence étrangère,verront leur compétitivité renforcée et pourront de nouveau construire des usines et créer des emplois en France sans subir ce prélèvement abusif.

Fallait-il attendre d’avoir modifié les compétences des collectivités locales avant de toucher à leurs ressources ? On peut toujours arguer de la réforme à venir pour différer celle qui précède. C’est le plus sûr moyen de ne rien changer. Toutes les réformes,qu’il s’agisse de la carte judiciaire, de la carte des implantations militaires, de la réforme hospitalière, sont complexes à mettre en oeuvre.Elles font des mécontents parce qu’elles bousculent les habitudes et heurtent des intérêts. Il est aisé ensuite, en diffusant des contrevérités comme la fable des cadeaux fiscaux, d’attiser ses mécontentements pour discréditer la réforme.

L’engagement du chef de l’État dans la campagne permettra aussi à la droite de réaffirmer ses valeurs, celles d’une France de la libre entreprise où les citoyens ne sont pas accablés d’impôts, celles d’un pays enraciné dans ses régions où les Français sont fiers de leur identité tout en étant ouverts au monde, celles d’une nation où le travail est considéré comme créateur et non comme “aliénant”, celle aussi d’un peuple qui n’a peur ni de la croissance ni de l’avenir.

L’accident de parcours du capitalisme financier a ravivé tous les fantasmes “déclinistes” et toutes les tentations de renoncement.À en croire certains,c’est l’objectif même de la croissance qui devrait être remis en cause et la “décroissance” qui serait la clé du bonheur. Comme si les Français, trop riches, n’avaient plus besoin de créer de la valeur pour tous ceux qui aujourd’hui sont dans la difficulté et pour nos enfants demain, comme si l’on pouvait répartir la richesse sans compter et sans se soucier de qui la crée. Il était donc capital que le chef de l’État soit présent pour assumer l’action menée depuis deux ans et demi et combattre les chimères de la gauche et des écologistes. Il est vrai qu’en s’exposant ainsi, Nicolas Sarkozy prend un risque.Mais peut-on faire de la politique sans prendre de risques ?

A la veille du sommet de Copenhague Arrêtons de nous faire peur !

Réchauffement climatique, bombe démographique, croissance anarchique… On nous promet la catastrophe. Et pourtant,

“il n’est de richesses que d’hommes”.


En 2012,scénario catastrophe ? Non,il ne s’agit pas de l’élection présidentielle,ni du sort de Nicolas Sarkozy, mais d’un film américain qui connaît en France un succès colossal : 4millions de spectateurs depuis sa sortie le 11novembre ! Un blockbuster qui met en scène la fin du monde – ou presque. Les continents sont submergés par des tsunamis gigantesques provoqués par la dérive des plaques tectoniques.Heureusement,des rescapés pourront survivre à cette apocalypse (sans parousie) à bord de leurs “arches” et rebâtiront une civilisation que l’on imagine forcément meilleure en Afrique,miraculeusement épargnée par ce déluge…

S’il exploite habilement la résurgence des peurs millénaristes dont la télévision se fait quotidiennement l’écho, le réalisateur de 2012, Roland Emmerich, a le mérite de ne pas désigner l’homme comme l’unique responsable du cataclysme qu’il décrit à grand renfort d’effets spéciaux. C’est ce qui distingue son film des scénarios élaborés par la plupart des dirigeants politiques occidentaux depuis plusieurs années,sur le fondement d’assertions scientifiques mal comprises ou controversées. Préparé de longue date par la “machine” onusienne,le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique s’ouvrira le 7décembre. Comme ce fut le cas à Kyoto en 1997, il devrait retentir de sombres prédictions sur les excès du développement économique et sur ses effets catastrophiques sur une nature forcément irénique.«Nous fonçons vers l’abîme »,a déclaré le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon,le 3 septembre (Valeurs actuelles du 8 octobre).

La raison de ces alarmes ? Le réchauffement climatique,que les scientifiques lient à l’émission de gaz à effet de serre, et que les responsables politiques expliquent, dans un étonnant raccourci,par l’activité industrielle. Car s’il est vrai que la combustion de charbon et d’hydrocarbures produit du dioxyde de carbone, il est pour le moins surprenant de négliger la responsabilité d’autres gaz (comme la vapeur d’eau) dans l’effet de serre et la conséquence d’autres phénomènes dans le réchauffement climatique, comme l’activité solaire ou la circulation océanique. C’est ce que rappelle le géophysicien Vincent Courtillot dans un document publié par l’Académie des sciences, le 25 novembre. Constatant que la température moyenne, après avoir augmenté, a tendance à décroître depuis 1998,il souligne que cette baisse « correspond bien à la décroissance de l’activité solaire, qui pourrait durer plusieurs décennies, comme l’ont observé pour le passé les physiciens du Soleil ». Ce qui prouve que les raisons de ces évolutions ne font pas l’unanimité parmi les scientifiques (lire page 12). Qu’importe les nuances.Qu’importe la prudence. Médias et politiques continuent à brandir “l’effet de serre” comme ils évoquaient naguère “les trous dans la couche d’ozone” pour exiger une révolution écologique. Ces trous, disait-on en 1985, étaient dus à l’action de composés de chlorofluorocarbures (CFC) utilisés notamment dans les aérosols et les réfrigérateurs. Les nations ont donc adopté,deux ans plus tard, le protocole de Montréal sur l’interdiction des CFC. Les scénarios échafaudés n’ont été démentis qu’après : « Lorsque des prévisions apocalyptiques furent avancées, on ne connaissait pas exactement l’ampleur de la détérioration de la couche d’ozone.Maintenant, on sait que les dégâts sont très faibles », reconnaissait en 1997 le Néerlandais Paul Crutzen, Prix Nobel de chimie pour ses travaux sur l’ozone.

Mais, pour les militants écologistes et les négociateurs du traité de Montréal, l’essentiel était acquis : «L’intérêt [de ce protocole] vient d’abord du précédent qu’il crée aux conventions beaucoup plus contraignantes qui devront être signées s’il devient un jour nécessaire de parvenir à un accord international sur les émissions de dioxyde de carbone pour éviter l’effet de serre », résumait la revue Nature, citée par le Spectacle du monde en janvier 2000.Nous y sommes.

C’est également au nom du réchauffement climatique que les partisans de la planification des naissances et du malthusianisme économique reviennent sur le devant de la scène internationale (lire pages 14 et 15). «Le poids de la natalité menacerait le climat », titrait le Monde daté du 19 novembre. Une allégation fondée sur le dernier rapport du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap). Selon cette agence de l’Onu, « des modes viables de consommation et de production ne peuvent être atteints et maintenus que si la population mondiale ne dépasse pas un chiffre écologiquement viable »

«Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants», répétaient auparavant les militants écologistes, citant Saint-Exupéry, pour convaincre chacun de préserver l’environnement. Nous voilà sommés de ne plus faire d’enfants pour sauver la Terre. « Tout se passe comme si la planète était plus importante que l’humanité», s’indignait la géographe Sylvie Brunel dans l’hebdomadaire Famille chrétienne, le 28 novembre. Plus de un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde. Pourtant, un seul des dirigeants du G8, Silvio Berlusconi, assistait au sommet des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation qui s’est tenu du 16 au 18 novembre, à Rome. À Copenhague, quarante chefs d’État sont attendus.

A lire également...
Trois idées reçues sur le climat,
"On saura nourrir la planète". Entretien avec Gilles Pison (Ined),
Au secous, Malthus revient !

COMMENTAIRES :

Peu importe au fond que l'activité humaine ne soit pas la seule en cause pour expliquer le réchauffement climatique, c'est le seul paramètre sur lequel nous pouvons agir et l'humanité a tout à gagner de modifier ses comportements de gaspillage et de destructions des ressources planétaires .


vendredi 4 décembre 2009

La "guerre pacifique" entre la Chine et les Etats-Unis

La Chine et les Etats-Unis traitent désormais de tous les problèmes mondiaux. Les deux premières puissances mondiales se livrent une "guerre pacifique", marquée par l'interdépendance et la rivalité.

Après la visite de neuf jours d'Obama en Asie, le communiqué sino-américain marque un tournant: la Chine et les Etats-Unis y traitent, en superpuissances égales, de tous les problèmes mondiaux, de l'écologie à la crise financière, de la défense aux droits de l'homme et au nucléaire; et même des problèmes bilatéraux entre la Chine et l'Inde.

Après la "guerre", l'"après-guerre" et la "guerre froide", les optimistes ont expliqué qu'on entrait dans une période pouvant être définie comme la "fin de l'Histoire", la "paix perpétuelle" dont parlait Kant. Les pessimistes, eux, pensaient au contraire que commençait une période de chaos, où le terrorisme et le non-droit balaieraient les nations. En réalité, cette nouvelle phase de l'histoire du monde devra sans doute être désignée sous le nom de "guerre pacifique" et opposera pour l'essentiel les Etats-Unis et la Chine.

Ces deux pays sont désormais les deux premières puissances économiques du monde, devant le Japon et l'Allemagne. Ils sont incroyablement interdépendants: les Américains ont pu financer leur croissance par l'épargne chinoise, permettant aux plus pauvres d'entre eux, artificiellement enrichis par les plus-values virtuelles de leurs maisons, d'acheter des produits chinois, et donnant en retour à la Chine les moyens de dégager une énorme épargne. Leurs élites s'interpénètrent : alors que les Chinois viennent déjà en masse faire leurs études dans les universités américaines, le président Obama vient d'annoncer son intention d'envoyer, dans les quatre prochaines années, au moins 100 000 jeunes Américains faire leurs études en Chine.

Rivaux et interdépendants, Chine et Etats-Unis composent un véritable G 2

Ces deux pays sont aussi, de plus en plus, rivaux en d'innombrables domaines, et on les verra s'affronter sur tous les terrains: pétrole, matières premières, écologie, contrôle des mers, influence en Afrique, Asie centrale, Russie et même en Inde et en Europe. Le mois prochain, on découvrira, par exemple, que la Chine produit et commercialise des avions civils concurrents de ceux de Boeing et d'Airbus. Toute la géopolitique va changer.

Dans le Pacifique, où les Etats-Unis se croyaient les seuls maîtres après la disparition de l'URSS, les deux superpuissances commencent à se mesurer militairement: la Chine dispose désormais d'armes balistiques assez précises pour détruire des navires naviguant jusqu'à 1 500 kilomètres de ses côtes, chassant ainsi de cette zone les cinq porte-avions américains qui y croisent en toute souveraineté. Demain, elles se jaugeront de même en Asie -du Sud et centrale- en Sibérie, peut-être.

La crise économique actuelle marque le début de ce conflit: la Chine s'inquiète de voir son épargne fondre avec l'endettement de l'Etat américain, lequel, en retour, dénonce la surévaluation du yuan. Les Etats-Unis, qui se croyaient devenus seule superpuissance et pensaient le système communiste condamné à Pékin comme à Moscou, voient la Chine s'installer dans la durée et leur enseigner ce qu'ils doivent faire pour ne pas décliner.

Pour l'instant, les maîtres de la "guerre pacifique" mettent en place les conditions de leur cogestion du monde: un G 2, masqué en G 20, fait d'embrassades et de coups bas, remplace peu à peu le duopôle américano-soviétique de la guerre froide.

Naturellement, de tout cela, l'Europe est absente.


MON COMMENTAIRE:

La Chine effectivement est en train d'interrompre le monopole exclusif de superpuissance des Américains depuis la fin de l'empire soviétique.Elle avance à grands pas, dans un "court trajet", par rapport à la " Longue Marche" qui n'était pas allée très loin. Ce court trajet est illustré par les taux de croissance vertigineux, même en période de décroissance généralisée et un niveau d'épargne impressionnant, lui permettant d'investir dans diverses contrées, naguère chasses gardées de certaines multinationales;tout comme elle fait preuve d' une ambition tous azimuts, dont elle semble bien posséder les moyens. Tout n'est pas rose cependant, notamment quant aux libertés et conditions d'épanouissement individuelles, mais le niveau de vie de la population s'élève sensiblement. Quant à l'Amérique, elle semble en période de vague creuse, suite à la grande crise qu'elle a engendrée en premier. Mais c'est un peu le monde en miniature et elle a toujours su rebondir. Mais l'Europe également se raffermit, l'Amérique Latine aussi et l'"Afrique, notre avenir" à tous, si elle se ressaisit ne sera pas en reste.

Chirac le pudique se dévoile enfin !

Un événement. Pour la première fois, l’ancien président de la République se livre dans le premier tome de ses Mémoires, « Chaque pas doit être un but » (NiL). Jacques Chirac, tout au long de sa vie et de sa carrière politique, a été très avare de confidences. Cette fois, il a accepté de lever le voile sur lui-même, sur les siens, sur les autres : Bernadette, Giscard, Mitterrand, Balladur, Sarkozy... « Le Point » publie en exclusivité les bonnes feuilles de ce document pour l’Histoire.

Et voilà qu’il se met à douter : « Qui cela va bien pouvoir intéresser ? Tout le monde m’a oublié, c’est ainsi... » Dos à la fenêtre, Jacques Chirac déploie ses grands bras, comme pour s’arracher à son bureau de la rue de Lille et fuir tous ces chroniqueurs matutinaux qui auront à commenter ses Mémoires, donc sa vie. Un livre - une torture quand on sait la légendaire réserve de l’homme - qui lui a demandé des mois de travail et sur lequel il n’a jamais su mettre un nom ( « J’écris quelque chose qui ressemble à des Mémoires... » ). Son visiteur du jour le rassure, lui dit que ça ira, qu’un tel ouvrage fera date et que l’accueil sera bon. Mais une ride dubitative fend toujours le front de l’ancien président de la République. N’est-il pas l’homme politique préféré des Français ? Au Point il confie vivre cette popularité « avec 99 % de recul et 1 % de plaisir ou l’inverse » ! A croire qu’il appréhende davantage la sortie de « Chaque pas doit être un but » que son renvoi en correctionnelle pour une histoire d’emplois fictifs. Même atteint au fond de lui par la décision de la juge, il se dit serein et décidé à batailler.

Au milieu des années 80, après un passage à Matignon et une candidature à la présidentielle de 1981, il s’était essayé à l’écriture d’un livre qui ressemble justement à des Mémoires. L’idée, soufflée alors par l’homme de télé, fondateur d’Antenne 2, Marcel Jullian, avec lequel il avait commencé une série d’entretiens, a vite fait pschitt...

Finalement, Chirac se convainc que la sortie de ses Mémoires est une aubaine. L’enfant du plateau des Mille-Sources a toujours aimé la France de près. Il envisage la promo de ce livre telle une petite campagne électorale, bien qu’un brin polluée par son actualité judiciaire. « Si j’ai écrit ces Mémoires, ce n’est évidemment pas pour me mettre en scène , assure-t-il. C’est en réalité une façon d’exprimer à nouveau mon attachement viscéral à la France et aux Français. » Depuis 2007 et son départ de l’Elysée, il a la nostalgie des odeurs du bocage et du contact avec les Français(es). Il surprend parfois ses amis à dire tout haut que « l’Histoire se fait dorénavant sans [lui] ». Ce fut le cas lors de son récent séjour au Maroc, à la table du couple Badinter et du fidèle Renaud Donnedieu de Vabres. L’effondrement du capitalisme, le renforcement de l’Etat, la défense d’un monde multipolaire, le réchauffement climatique : des années qu’il en parle ! A l’heure de ces grandes questions, c’est un autre que lui qui convoque le monde à l’Elysée.

Offre de Poutine. Sa nouvelle vie a été mille fois racontée : discours devant sa fondation, vacances à Saint-Tropez, visite au Salon de l’agriculture et rencontres avec des grands de ce monde. Seulement, le soir venu, quand le téléphone ne sonne plus, on sait moins ce qui se passe dans la tête de cet homme dont la vie a consisté, depuis 1965, à toujours regarder « l’à venir ». Comprendre la prochaine échéance électorale. A présent, que regarde Jacques Chirac ? Quand ceux qui l’aiment soulèvent ce problème, ses lèvres minces se tendent comme pour déplorer le temps passé. Son seul bilan, il le veut politique. Pour le reste : « J’aime manger, j’aime les femmes et j’ai eu une belle vie. » Il « a eu » une belle vie...

Il ne tenait qu’à lui de faire du « fric », comme dirait son successeur, et de sillonner le monde. C’était le 7 octobre 2006, en Russie. Vladimir Poutine, qui fête ses 54 ans, l’invite, ainsi que Gerhard Schröder, à faire un tour de bateau sur le lac Valdaï. L’ex-président russe se tourne vers le chancelier allemand : « Gerhard, une fois ton mandat terminé, accepterais-tu de prendre la tête de North Stream ? J’ai besoin de quelqu’un de ta compétence. - Cela mérite réflexion. » Puis vers Chirac : « Et toi, Jacques, que feras-tu après ? Travaillons ensemble. » « Jacques » décline l’offre. Son avenir, il l’imagine déjà ailleurs ; il souhaite honorer dignement son mandat puis passer à autre chose, accorder davantage de temps à son petit-fils, Martin, visiter des contrées épargnées par la bétonisation et la déforestation, lire des poèmes sans jamais plus se cacher et écrire ses Mémoires. Ecrire aussi - comme il le faisait déjà secrètement du temps de l’Elysée - moult réflexions sur l’origine et le devenir de l’humanité. Encore aujourd’hui, il garde précieusement dans sa serviette une liasse de ces notes, ses « références les plus précieuses », qui lui apprennent « la relativité des choses ». « D’où venons-nous... Qui sommes-nous... Où allons-nous...» est le titre de l’une d’elles. « L’homme fait partie intégrante de la nature, il est rattaché par une longue chaîne ininterrompue [...] » , écrit-il à la manière de Claude Lévi-Strauss. C’est dans un retour à la terre, à la famille et à l’écrit qu’il s’imaginait donc finir ses jours. Mais Claude, sa fille, ainsi que l’ancien secrétaire général de l’Elysée Frédéric Salat-Baroux le dissuadent de renoncer à toute vie publique, arguant qu’il doit s’engager, que c’est un devoir. Comme toujours, Chirac se laisse convaincre. Ils s’entendent alors sur quatre projets visant « à faire vivre la flamme » : la création d’une fondation et d’un club d’amis, une présence régulière au Conseil constitutionnel et l’écriture de Mémoires. Il honore ces quatre engagements. Souvent avec bonne humeur ; parfois avec la lippe des mauvais jours. Chirac n’est lui-même que libéré de toute contrainte, loin des caméras et des assemblées. Le plaisir, même quand on a été le premier des Français, tient parfois à peu de chose.

Scènes de vie d’un président qui n’a rien perdu ni de sa foi, ni de son enthousiasme, ni de son humour : pour « un baiser », il vend un autographe aux promeneuses du quai d’Orsay, et n’importe qui peut lui prendre le bras pour une photo. On reconnaît en lui le promoteur de la motocrotte ou l’homme du non à la guerre en Irak. Il n’aime rien tant que discuter « des faux-culs » de la République avec Jean-Louis Debré et d’histoire avec le communiste Robert Hue. Au café, il préfère toujours la bière au champagne que lui offre le gérant. Dès qu’il peut, il invite à déjeuner au Plaza ou chez Laurent un trio d’anciennes collaboratrices, coutumières de sa galanterie vieille France et de ses blagues licencieuses. Incapable de rancoeur, il a promis à son ancienne conseillère Marie-France Garaud, réputée impitoyable avec lui, de la convier à dîner. Naguère méfiant à l’égard des journalistes, il sympathise à présent volontiers avec eux, au point de prolonger ses entretiens jusque sur le palier. Avec une profondeur inimitable dans le regard, il peut scruter durant de longues minutes le crâne lisse d’un bouddha de Qingzhou, comme récemment au musée Cernuschi. Au premier élu croisé - ce fut le cas avec Nicolas Sarkozy -, il présente son jeune conseiller Hugues Renson, qu’il affectionne comme un fils et à qui il prédit un bel avenir électoral. Le mois dernier, il a écrit à Danielle Mitterrand afin de lui proposer un rapprochement entre leurs fondations. S’il veut faire rire autour de lui, il rapporte une anecdote sur Giscard, dont il ne lira pas le dernier livre. A cela il préfère l’essai de l’Américain Jared Diamond sur la disparition des sociétés ou encore la biographie d’Obama par Guillaume Debré. Et quand la fatigue l’étreint, que l’attention lui fait défaut, il pose des questions à son interlocuteur pour avoir la paix.

Il sait tout. Chirac n’est pas sourd à la politique. Rien de l’actualité, rien des petites phrases assassines visant ses douze années passées à l’Elysée ne lui échappe. Ces dernières, il ne l’ignore pas, sont souvent le fait de son successeur. Mais jamais celui qui a été qualifié de « roi fainéant » ne se prêtera à un quelconque commentaire sur l’action, et encore moins sur les saillies, de Nicolas Sarkozy. A l’époque, il serrait déjà les dents quand son ancien ministre de l’Intérieur dénigrait le sumo - la pire des offenses qu’il eut à subir de sa part. Parfois, il s’agace de voir ainsi l’ordre institutionnel bousculé par l’hyperprésident. A tel point qu’on le dit compatissant à l’égard de François Fillon. « Vous souhaitez savoir ce que pense Chirac de la méthode Sarkozy ? interroge un de ses vieux compagnons. Eh bien, reprenez ses critiques de la présidence Giscard d’Estaing. Lui avait eu le courage et l’honneur de démissionner de Matignon en 1976. » Chaque jour du procès Clearstream, il a eu droit à un compte rendu d’audience. Là encore, pas un mot sur la procédure ni sur ses hommes. Dans un de ses rares moments d’abandon, il fit une remarque sur l’affaire Jean Sarkozy, assurant que « le bénéfice politique dans cette histoire est nul » pour la majorité. Une autre pour prendre la défense de Frédéric Mitterrand, accusé d’avoir fait l’apologie du tourisme sexuel. Municipales ou européennes, partielles ou non, Chirac n’a rien raté des dernières élections, félicitant ou consolant au téléphone les candidats qui lui sont restés fidèles. En juin, quelques jours après la débâcle des socialistes aux européennes, il apostropha ainsi un député PS qui traînait son spleen boulevard Saint-Germain : « Les européennes, c’est de la couille ! Les Français, ils s’en foutent. Vous avez fait l’essentiel, vous avez tué Bayrou ! »

Il aura 77 ans en ce mois de novembre. Bien que sa santé soit fluctuante, il n’a rien de l’impotent que l’on présente parfois. Sa mémoire est intacte, en témoignent ses Mémoires. Quelle vie abracadabrantesque que celle de Jacques René Chirac ! A-t-il un jour pensé arrêter la politique ? « Evidemment et comme chacun, il y a eu des moments où j’ai pu m’interroger sur le sens des choses, mais, très vite, les valeurs d’engagement, de service et de responsabilité qui ont guidé ma vie ont repris le dessus » , confie-t-il. Dans un entretien, jusque-là inédit, accordé au psychanalyste Ali Magoudi, à la fin des années 80, Chirac confiait se voir « vieillir tous les jours ». Epoque où il arborait une cigarette au bec, une paupière tombante et une petite verrue naissante au coin du nez. Il ajoutait qu’il n’y a « rien de plus épouvantable et plus dérisoire que les vieux qui veulent jouer les jeunes. Il y a déjà tellement de jeunes qui sont vieux ». On lui demandait alors s’il appréhendait la fin, la sienne : « Je ne suis pas angoissé par la mort. C’est un événement qui doit intervenir. Et puis, je suis de ceux qui nourrissent un espoir pour après la mort. Si bien que ce n’est pas une idée qui me traumatise. » Pour Chirac, chaque pas doit être un but. Ici, donc, et peut-être au-delà.

Chirac sur le divan

Extraits inédits d'un entretien avec le psychanalyste Ali Magoudi (1987).

Dieu

« Si je dois évoquer une évolution, disons des dernières années, elle serait caractérisée par un renforcement de ma conviction concernant l'existence de Dieu et de ma conviction dans la foi catholique. »

Enfance

« Ma mère me disait souvent de me calmer, mais sans succès. J'avais avalé la dernière bouchée du repas que j'étais déjà parti. Je n'avais qu'une idée en tête, c'était d'aller me baigner, d'aller dans les rochers. (...) J'avais un merveilleux ami, Darius Zunino. Nous passions notre temps à nous battre, souvent rudement. (...) J'ai plein de petites cicatrices qui sont le témoignage de cette enfance. »

Scolarité

« J'étais un élève moyen, plutôt dissipé, pas studieux. Je passais d'une classe à l'autre de justesse. Et en première, je me suis dit que c'était fini, et que maintenant il fallait choisir. Ou bien ne rien faire ou bien travailler. Je suis devenu un bon élève à partir de la mise en oeuvre d'une volonté personnelle. »

Le goût du pouvoir

« Il disparaît complètement, car l'avantage que peut procurer ce goût est compensé petit à petit par les contraintes qu'impose le pouvoir. »

Poésie

« Elle vous permet de sortir du monde dans lequel on vit et d'accéder à un autre univers. »

Luxe

« Je n'ai jamais été, ni familialement, ni par goût personnel, quelqu'un qui vit dans le luxe. »

Sumo

« Le sumo est un grand art, ce qui n'est pas toujours le cas du combat politique. »

Une taxe nommée Chirac

En 2003, Lula, le président brésilien, et Chirac ont l'idée, jugée alors utopique, de créer une taxe sur les billets d'avion pour lutter contre le paludisme et le sida dans les pays pauvres. En 2005, Philippe Douste-Blazy (ministre de la Santé) imagine d'utiliser cette taxe pour créer une centrale d'achats de médicaments qui les distribuerait via des ONG et négocierait avec les labos des ristournes sur les prix. Aujourd'hui, tous ceux qui décollent d'un aéroport français, britannique ou d'une dizaine d'autres pays contribuent à Unitaid, qui a collecté 1,3 milliard d'euros et lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose dans 93 pays ; 3 enfants traités contre le sida sur 4 dans le monde le sont grâce à Unitaid.

Chirac l'Américain

Le 12 janvier 1955, c'est la première fois qu'un journal, le Times-Picayune de La Nouvelle-Orléans, consacre un article à Jacques Chirac, étudiant de 23 ans, et auteur d'une thèse remarquée, intitulée « Le port de La Nouvelle-Orléans ». L'article raconte dans le détail le travail « amazing » (incroyable) de ce « young Parisian ».


Winston Churchill, le guerrier visionnaire.


Les Mémoires de Churchill, qui lui valurent le prix Nobel de littérature, paraissent dans une nouvelle traduction.

De 1948 à 1954, Winston Churchill a publié six volumes de Mémoires consacrés à la Seconde Guerre mondiale. Traduit dans le monde entier, ce monument couronné par le prix Nobel de littérature a paru très vite en français. L'édition, malheureusement, contenait de nombreuses erreurs ou approximations. Il faut donc se réjouir de voir enfin mis à la disposition du public français ce grand livre parfaitement traduit, présenté et annoté par François Kersaudy.

Nourri de Gibbon et de Macaulay, Churchill, spontanément, envisageait l'histoire sous l'angle de la longue durée. Comme ses modèles, il pensait qu'un événement ne prend sa signification qu'éclairé par des causes parfois assez lointaines. L'exercice en l'occurrence lui donnait aussi la satisfaction de vérifier que, la plupart du temps, ses jugements s'étaient révélés exacts, et de confondre ses détracteurs. Dès 1936, lors d'un débat houleux à la Chambre des communes, il avait d'ailleurs averti le premier ministre Stanley Baldwin, aussi ignorant des réalités internationales que roué en politique intérieure : « L'Histoire dira que vous avez eu tort… et si j'en suis certain, c'est parce que c'est moi qui l'écrirai. »

Revivre avec Churchill l'entre-deux-guerres éclaire d'une lueur crue les raisons profondes du cataclysme de 1940. La Grande-Bretagne sans doute avait été moins affectée que la France par le premier conflit mondial, mais le pacifisme y était presque aussi répandu et vif que de l'autre côté de la Manche. L'insularité, les derniers feux de l'Empire, une vie intellectuelle féconde, tout cela avait contribué à faire naître de graves illusions. « L'Histoire, écrit Churchill, doit juger comme hautement blâmable la conduite pendant ces années fatales du gouvernement britannique. » Le travailliste Ramsay Mac Donald, les conservateurs Stanley Baldwin et Neville Chamberlain apparaissent sous la plume de Churchill comme les grands responsables d'une politique étrangère calamiteuse, inconsciente du péril allemand, assez habile malheureusement pour entraîner dans son sillage une France elle-même en butte à des maux identiques.

La supériorité de Churchill ne tient pas, comme on a souvent tendance à le croire, à sa seule énergie, mais à son intelligence du phénomène hitlérien. Dès 1925, il avait lu Mein Kampf et avait été convaincu de tenir entre ses mains le nouveau « coran du fanatisme de la Guerre », porteur d'un message redoutable, quoique confus et verbeux. D'emblée, la vraie raison de la haine de Hitler à l'égard des Juifs lui devint évidente : le Führer avait le culte de la force brutale, régénératrice à ses yeux. Pour lui, l'être humain n'était rien d'autre qu'un animal supérieur condamné à lutter à mort pour survivre. Les Juifs, incarnation par excellence des valeurs universelles, représentaient à ses yeux des agents de désintégration à éliminer d'urgence. Churchill avait si bien perçu la centralité terrifiante de l'antisémitisme dans l'idéologie nazie que Hitler renonça finalement à venir parler avec lui en 1932. Cet été-là, l'homme d'État britannique se trouvait en Allemagne afin de visiter les lieux où jadis s'était illustré son ancêtre, le duc de Marlborough, dont il préparait la biographie. Dès son arrivée, un envoyé officieux du Führer s'était manifesté avant de se volatiliser rapidement. « C'est ainsi qu'Hitler perdit son unique chance de me rencontrer », conclut superbement le mémorialiste.

Écrivain de haute lignée

La grande force de Churchill tenait aussi à son optimisme résolu. Jamais il n'envisagea le triomphe du national-socialisme, jamais il ne douta de la capacité de ses compatriotes à se reprendre face à un danger mortel. « Lorsque vous parlez de guerre, devait-il déclarer très crânement à Ribbentrop, ambassadeur du Reich à Londres en 1937, il ne vous faut pas sous-estimer l'Angleterre. C'est un curieux pays, dont peu d'étrangers parviennent à comprendre la mentalité. Qu'une grande cause s'offre à son peuple et vous verrez de combien d'actions inattendues seront capables ce même gouvernement et la nation britannique ! » Les Français découvriront aussi avec quelle calme résolution, non exempte de compassion, le premier ministre de mai-juin 1940 suivit le combat désespéré de leur pays contre un envahisseur disposant d'une écrasante supériorité en matière d'aviation. Si Churchill comprit le drame que vivaient les responsables français, il ne douta à aucun moment de la nécessité pour eux de poursuivre le combat à partir de l'Empire.

De Gaulle, malgré ses heurts avec Churchill, vit toujours en lui le géant de la Seconde Guerre mondiale. Comment en douter après avoir lu ces Mémoires, qui de surcroît révèlent un écrivain de haute lignée, certes très différent du chef de la France libre, mais possédant comme lui une large palette, habile à passer d'un registre à un autre, aussi séduisant dans ses longues périodes un peu lyriques que dans des évocations plus familières et pleines d'humour.

» INTERVIEW - François Kersaudy : «Un héros de Kipling»

«Mémoires de guerre, tome I (1919-1941)» de Winston Churchill, Editions Tallandier, 448 p, 29 €.

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jeudi 3 décembre 2009

MISE AU POINT EXCLUSIF - L'avertissement de DSK à Sarkozy

L'aparté a été discret, mais vif, dans la coulisse du sommet du G20 à Pittsburgh, le 25 septembre - et personne, jusqu'ici, n'en avait rien su. Durant une suspension de séance, Dominique Strauss-Kahn a profité d'une rencontre impromptue - aux toilettes ! - avec Nicolas Sarkozy pour lui lancer cet avertissement : "J'en ai plus qu'assez des ragots répétés sur ma vie privée et sur les prétendus dossiers et photos qui pourraient sortir contre moi. Je sais que tout ça part de l'Élysée. Alors, dis à tes gars d'arrêter ou sinon je saisirai la justice."

Le directeur du FMI s'indignait notamment d'une allusion vipérine de Frédéric Lefebvre rapportée dans un livre paru quelques jours plus tôt ( Hold-uPS, arnaques et trahisons, Éd. du Moment). Sarkozy a protesté de sa bonne foi, mais le porte-parole de l'UMP a, depuis, adressé un démenti à l'éditeur. Il n'empêche : ulcéré de voir certains commentateurs répéter les mêmes insinuations pour affirmer l'impossibilité de sa candidature en 2012, DSK a chargé son avocat parisien - Me Jean Veil, qui l'a confirmé au Point - de déposer plainte contre "toute nouvelle assertion diffamatoire".


MON COMMENTAIRE : Mon Dieu, que c'est triste de lire tout cela. Finalement tout est une histoire de gloire, d'honneur et de gros sous. Mais que deviens le peuple français dans tout cela ?? On vous tire de l'argent de partout, taxes, radars, augmentation de la vie, quoi que disent ces messieurs qui, eux, roulent sur un tapis rouge. Mais souriez braves gens, le pouvoir d'achat a augmenté pour vous, vous allez pouvoir manger de la langouste pour les fêtes !!! [...] Vous savez, nous sommes la risée à l'étranger, il faut un peu sortir de la France pour entendre les réflexions. Pourtant elle est si belle notre France, mais hélas nous avons tout perdu, même notre honneur. Mais qui sera capable de la remettre debout ???

On aurait pu penser....... que l'avertissement du président du FMI concernait le déficit de la France. Mais il faut croire que ce sujet n'est pas important pour les hommes politiques français... actuels ou putatifs.

On est vraiment dans la bouffonnerie, DSK qui rencontre "par hasard" Sarkozy au toilette... et qui nous fait son caprice de gosse de 10 ans... lamentable, j'ai honte pour cet homme politique qui n'assume pas ces actions dégradantes. On prend vraiment les Français pour des veaux.

Toujours aux toilettes...

Et surtout pour sourire un peu plus !

Je préfère cette histoire qui se passe, elle aussi, aux toilettes d'un grand opéra à Paris. Lors d'un entracte, le Président de Gaulle et son ministre de la Culture sont côte à côte aux urinoirs. Malraux pensant toujours à cette sublime représentation théâtrale s'exclame tout haut : " Mon Général, quand même ! quelle belle pièce !" et De Gaulle, pince-sans-rire et plein d'humour lui dit : " Malraux, regardez devant vous...".

mercredi 2 décembre 2009

Débat sur l'identité nationale - Max Gallo : "En chaque Français, il y a un étranger"

L'historien et écrivain Max Gallo se mêle au débat sur l'identité nationale, qui sera défendu vendredi par François Fillon. Sans détour.

lepoint.fr : Le débat sur l'identité nationale est-il nécessaire ?

Max Gallo : Je le crois, parce que l'ensemble des nations traverse une période de transition marquée par les nouvelles technologies. Ces dernières modifient les rapports des hommes entre eux, des hommes à leur État et des hommes à la politique. Je pense en particulier à la spontanéité et à l'immédiateté de l'intervention du citoyen par le biais d'Internet. Cette période est aussi marquée par des variations des équilibres démographiques, avec de grands déplacements de population, au moins pour quelques décennies encore. Naturellement, tout cela modifie ou, du moins, interroge la conception habituelle que nous avons de la nation. Sans compter que notre histoire nationale est celle d'un pays ouvert qui n'est pas composé d'une population homogène. En chaque Français, il y a un étranger.

Certains estiment que l'identité nationale est une affaire d'histoire et qu'il ne convient pas aux politiques de l'accaparer...
Ces gens ne connaissent pas l'histoire. Depuis les Capétiens en passant par Louis XIV jusqu'à l'époque révolutionnaire et la IIIe république, le pouvoir s'est soucié de la question de l'identité nationale. Prenons un exemple flagrant : en 1879-1880, la République décide de fixer la date de la fête nationale au 14 juillet et de fixer l'hymne national. C'est bien évidemment une intervention politique. Quand la Constituante décide de passer de l'expression "roi de France" à l'expression "roi des Français", c'est la même chose. Le 10 juillet 1940, le maréchal Pétain a évidemment forgé une nouvelle identité en choisissant "travail, famille, patrie" comme devise à la place de "liberté, égalité fraternité". À chaque instant de notre histoire, il y a eu interrogation sur la question de l'identité nationale et, à chaque fois, les politiques sont intervenus dans le débat. Aujourd'hui, il s'agit de l'ouvrir et non de le fermer. Nous sommes heureusement en République : j'imagine que le gouvernement n'a pas l'intention d'imposer quoi que ce soit.

Qu'est-ce qu'être français aujourd'hui ?
Premier point : être français, c'est aimer la France, c'est-à-dire connaître son histoire, aimer les paysages travaillés par les hommes : nous avons bâti un espace monumental urbain qui nous définit. C'est une définition affective, mais très importante. Il n'y a pas de réflexion sur le fait d'être français si on ne commence pas à dire que l'on a un lien particulier fait d'attirance et d'amour pour son pays.
Deuxième point : Fernand Braudel a parlé de "problématique centrale de la nation". C'est une notion intéressante parce qu'elle signifie qu'il n'y a pas de points fixes, mais des points de repère qui encadrent l'identité nationale. Il y a d'abord le droit du sol : on ne demande pas à un Français quel sang coule dans ses veines parce que nous avons toujours été parcourus par des peuples venant du Nord, de l'Est, du Sud, et dont beaucoup se sont enracinés. Il y a ensuite l'égalité, permanente en France depuis le Moyen-Âge. On ne peut pas toucher à cette symbolique de l'égalité des chances sans déclencher des fureurs. Il y a aussi le rôle de l'État, la laïcité et la langue. Il faut parler le français. La construction de la langue a commencé au XVIe siècle, en 1539, avec l'édit de Villers-Coterrêts qui a imposé dans les textes juridiques la langue française. Qui dit langue dit école. Puisque nous avons en nous une part d'étranger, elle a un rôle central. C'est le lieu où se forge la citoyenneté. Ce qui amène à un autre point : le rapport individuel des citoyens avec l'État. C'est ce qui nous oppose au communautarisme. Il y a aussi "la sociabilité française", c'est-à-dire notamment l'égalité homme-femme, qui s'est forgée dans l'amour courtois, les favorites, les femmes savantes... Nous avons toujours imposé au rapport homme-femme une règle qui existe dans fort peu de pays : l'épanouissement de la femme. Un autre point, c'est la conscience du risque d'émiettement de la nation parce que nous sommes divers. Il y a toujours un risque de "guerre de religion". Pas seulement des frondes, d'affrontements politiques, mais aussi de guerres civiles violentes. Il y a enfin la vocation universaliste. Elle renvoie au rôle qu'a joué la France à l'intérieur du catholicisme. La France était la fille aînée de l'Église. D'une certaine manière, elle est devenue Marianne, la fille aînée des Républiques.

Pourquoi le risque d'émiettement de la nation est-il fort aujourd'hui ?
Il y a une responsabilité des élites qui, depuis 30 à 40 ans, n'ont jamais tenu de discours sur l'identité nationale. Par peur de l'extrême droite, ils ont abandonné au Front national la symbolique nationale. Ils n'ont pas tenu de grands discours sur l'intégration. Surtout, la réalité sociale et économique ne favorise pas l'intégration : il n'y a plus d'école ni de service militaire... Nous n'avons pas dit aux immigrés que nous sommes un pays qui a déjà une histoire dans laquelle ils doivent s'insérer pour la modifier, comme nous l'avions fait sous la IIIe république avec les immigrés italiens, polonais. Ce n'est pas parce qu'ils étaient européens que c'était plus facile. Il ne s'agit pas de dire "nous sommes des Gaulois", mais "il y a des Gaulois". Autrement dit, il s'agit de souligner que la France ne commence pas avec l'arrivée sur le sol de la dernière vague d'immigration. C'est la question du rapport à l'histoire. C'est pour ça que j'ai toujours été réservé sur la question de la repentance. Autant je crois qu'il ne faut rien dissimuler de l'histoire nationale, et Dieu sait si elle est riche en crimes, en erreurs, en guerres injustes, en esclavage, autant je pense qu'il ne faut pas en faire une histoire criminelle. L'histoire de France ne vaut ni plus ni moins que les autres histoires nationales. Mais on oublie souvent qu'il n'y a jamais d'intégration immédiate. Je suis fils d'immigré italien : en 1893, il y a eu des pogroms contre les Italiens. Il ne faut jamais demander au nouvel arrivant de renoncer à cette part étrangère de lui-même. Elle enrichit la nation à condition qu'elle s'inscrive dans cette problématique centrale de la nation et de ces paramètres que j'ai définis.

Quel est l'apport de l'immigration à l'identité nationale ?
La France s'est construite dans un amalgame permanent entre des individus arrivant de l'étranger et puis ce sol, ce lieu, cette histoire de France. Nous sommes quand même le pays de la reine Marie de Médicis, de Richelieu, de Mazarin, de Léon Gambetta. Autrement dit, nous sommes ouverts. Pour des raisons géographiques, puisque nous sommes le Finistère européen, traversé du nord au sud. Nous sommes à la fois flamands et occitans, germaniques et celtes. Si, à l'évidence, il y a des racistes en France, la France n'est pas et n'a jamais été un pays raciste. Elle est le pays d'une histoire, de l'étranger dans chaque Français.

Comment renforcer l'identité nationale ? En chantant la Marseillaise à l'école, par exemple ?
En apparence, cette mesure ne change rien. On peut même en sourire, voire la contester. En réalité, c'est important d'avoir un discours sur l'identité nationale. J'espère qu'on renforcera l'enseignement du français, le principe de la laïcité, et le respect des symboles nationaux, républicains. Il faut aussi que l'intégration puisse se réaliser au travers de la vie sociale et économique. Cela passe par des mesures ponctuelles, modestes, mais rigoureuses, comme peut-être le CV anonyme. Mais ces questions doivent être étudiées techniquement et expérimentées.

MON COMMENTAIRE:

Méditez cela !

Les espagnols déjeunent de manière décalée : ils commencent à manger à 16 heures pour le midi et 22 heures pour le soir. Avez-vous déjà vu un immigré espagnol exiger qu'on change les horaires de travail ou de repas pour continuer à vivre comme au pays ?

La voilà la grosse différence.