DEMOCRATIE

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mercredi 3 septembre 2008

Sénat : le temps des idées par Alain Lambert



Alain Lambert, sénateur de l’Orne réfléchit sur la mission de la Haute Assemblée à la veille d’un scrutin important et de l’élection d’un nouveau président.

Le 1er octobre, le Sénat renouvelé désignera son président.Les enjeux de cette double élection ? L’avenir de la Haute Assemblée et une redéfinition du rôle de son président, deuxième personnage de l’État.
L’heure est à une réflexion sur la fonction, les missions et responsabilités dévolues à la Haute Assemblée.

La Constitution donne au Parlement la mission fondamentale de voter la loi, de contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. La révision constitutionnelle est venue légitimer cette dernière et accroître les leviers d’action des parlementaires : maîtrise partagée de l’ordre du jour, nouvelles commissions parlementaires et élargissement du droit d’amendement, possibilité de débattre de résolutions, avis sur les principales nominations, nouveaux droits pour l’opposition, etc. Le Sénat, les sénateurs et leur président auront à cœur d’établir des règles justes et réalistes d’utilisation de ces nouveaux outils et surtout de les laisser vivre. Car chacun sait combien la pratique des institutions est importante. Autant que leur lettre.
Afin d’orienter l’action du Sénat et de sa majorité, issue du scrutin du 21 septembre, son président devra se fixer quelques objectifs simples et clairs.
Le premier d’entre eux sera, sans conteste, le renforcement de l’autonomie et donc de l’autorité du Sénat. Tout en admettant le fait majoritaire, socle de la Ve République, je suis personnellement attaché à son indépendance vis-à-vis de l’exécutif, d’autant qu’il dispose d’atouts précieux : l’expérience des sénateurs, leur lien privilégié avec les territoires, une vision de moyen et long terme, qui manque tant à la France, sans compter un souci constant du dialogue.
Le deuxième objectif consiste à prendre à bras-le-corps le chantier de la simplification du droit, à commencer par la loi, devenue bavarde, instable, tatillonne, source d’insécurité juridique.
Le troisième objectif concerne l’implication du Sénat dans l’élaboration de la législation européenne et le contrôle de son application, afin que cesse de se creuser un écart périlleux entre la règle et les besoins de nos concitoyens. Les sénateurs doivent prendre une part plus active dans le processus normatif communautaire comme dans les choix de politiques économiques, sociales et territoriales.
Le quatrième de nos objectifs porte sur l’anticipation des évolutions de nos territoires. Le Sénat doit faire valoir son expertise comme son influence dans cette politique essentielle qu’est l’action publique de proximité. Une séparation claire et franche des missions de l’État et des collectivités locales devra être définitivement établie. L’État devra, à cette occasion, revoir la carte de ses implantations. En attendant, les critiques fusent de toutes parts sur l’éclatement des responsabilités entre collectivités, l’empilement des structures, la qualité de la gestion publique locale, la croissance de la fiscalité et l’emploi public. Le Sénat doit devenir un lieu d’échange entre les différents échelons des collectivités, leur offrir d’unifier leurs voix dans les débats institutionnels, de se préparer aux futures transformations plutôt que de les subir. Les associations d’élus sont les bienvenues au cœur de cette « maison des collectivités locales ». Elles y trouveront les contacts, les savoirs, les retours d’expérience indispensables à l’efficacité de leur action.
Cinquième objectif : la réussite de la révolution copernicienne du Sénat et le dépassement des logiques partisanes dominatrices. Dans une assemblée où aucun groupe ne peut revendiquer la majorité absolue, le moment est venu d’envisager un pacte majoritaire qui rassemble les sensibilités et transcende les clivages traditionnels.
Le groupe majoritaire joue un rôle éminent, mais il ne saurait décider seul des choix dont la responsabilité sera portée collectivement. Ce pacte pourrait s’ouvrir, pour des thèmes spécifiques, à des coalitions d’intérêt général, élargies à la gauche, si elle l’accepte. L’idée étant de construire, ensemble, à l’image de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances), les réformes d’avenir, sur la base d’accords toujours plus larges. Les actions de contrôle et d’évaluation, pour lesquelles le Sénat détient les pouvoirs les plus étendus, doivent ignorer toute considération partisane.
La réalisation de ces objectifs reste néanmoins soumise à quelques conditions : la valorisation de l’ensemble des sénateurs et pas seulement des dignitaires, la réforme de l’organisation interne du Sénat, une utilisation optimale de ses ressources humaines et matérielles et l’adaptation de ses outils de communication…
Le président du Sénat détiendra un rôle crucial d’impulsion et de coordination, en lien avec le bureau, les commissions et les groupes politiques. À l’écoute du Sénat, il devra incarner l’autorité de l’institution et porter sa parole libre, dans les débats publics, riches et denses, qui s’annoncent.
Pour ma part, je souhaite donner corps à ces principes, jusqu’au jour du scrutin, en mobilisant les collègues sénateurs qui partagent ces convictions et qui tiennent à cette stabilité, cet équilibre, symboles de notre Haute Assemblée.

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