DEMOCRATIE

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vendredi 14 novembre 2008

Obama président!


Depuis le 4 novembre 2008, c'est fait: l'Amérique a élu pour la première fois de son histoire un président afro-américain en la personne de Barack Obama. A 47 ans, cet avocat de Chicago porte désormais sur ses épaules les espoirs de tout un pays, voire d'un monde en proie au doute.


Les défis du président Obama :

Barack Obama, dont les Américains viennent de faire leur premier président noir, pouvait savourer sa victoire historique mercredi mais était aussi confronté à la tâche titanesque d'apporter le changement qu'il a tant promis.
Dès son discours mardi soir à Chicago, Barack Obama soulignait "l'immensité de la tâche" à laquelle il va devoir s'atteler, au moment où les Etats-Unis traversent leur plus grave crise financière depuis celle de 1929.
La récession menace, le chômage atteint déjà 6,1% de la population active et le déficit public est proche des 500 milliards de dollars. Le pays est aussi engagé dans des conflits qui s'éternisent en Irak et en Afghanistan.
Deux guerres, une planète en péril, la plus grave crise financière depuis un siècle.
"A l'heure où nous célébrons la victoire, nous savons que les défis de demain sont les plus importants de notre existence - deux guerres, une planète en péril, la plus grave crise financière depuis un siècle".
"La route sera longue. Le chemin sera escarpé. Nous n'atteindrons peut-être pas notre but en un an ou même en un mandat, mais (...) le peuple américain y arrivera", a-t-il promis.
Obama va devoir veiller à ne pas décevoir l'immense espoir qu'il a fait naître dans l'électorat, préoccupé au premier chef par l'économie. Il s'est engagé à baisser les impôts pour 95% des salariés, à engager une politique de grands travaux et garantir une couverture santé pour tous.
Sur le plan international, il a promis de retirer les soldats américains d'Irak "de façon responsable" dans un délai de 16 mois et de concentrer les efforts à la lutte contre Al-Qaeda et les talibans.
"100 jours pour réparer les dégâts causés par la présidence Bush"
L'organisation des droits de l'Homme Amnesty International lui a donné mercredi 100 jours pour "réparer les dégâts causés" par la présidence Bush, l'appelant notamment à fermer le centre de détention de Guantanamo.
Sa victoire a été saluée à travers le monde comme un signe de "changement et d'espérance" par les alliés traditionnels de Washington mais aussi dans le camp le plus hostile à l'hégémonie américaine.
Barack Obama va devoir très vite mettre en place son équipe pour assurer la transition avec le président George W. Bush, à qui il succèdera le 20 janvier.
En Afghanistan, le président Hamid Karzai a estimé que cette élection avait "fait entrer le peuple américain, et avec lui le reste du monde, dans une ère nouvelle".
Quant au chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, il a déclaré: "Nous ne pensons pas qu'il y aura un brusque changement politique, et il n'y aura pas un désengagement rapide américain d'Irak".
Les marchés boursiers n'étaient pas non plus euphoriques mercredi. Après des clôtures en forte hausse à Tokyo (+4,46%) ou Hong Kong (+3,2%), les Bourses européennes ont ouvert dans le rouge et accentué leurs pertes en séance.
Wall Street a ouvert en baisse, les investisseurs se tournant déjà vers les défis économiques à relever.
Barack Obama va devoir très vite mettre en place son équipe pour assurer la transition avec le président George W. Bush, à qui il succèdera le 20 janvier.
Sa tâche pourrait être facilitée par le fait que les démocrates ont vu mardi leur majorité confirmée au Congrès. Selon des résultats partiels, les démocrates pourraient emporter 56 sièges sur 100 au Sénat et ont conforté leur majorité à la Chambre des représentants.


Obama, la rupture dans la continuité!
Par Emilie Cailleau,
L'élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis a suscité d'énormes vagues d'espoir à travers la planète. Pourtant, quelle que soit sa volonté, il pourra difficilement répondre à toutes les attentes. Lumière sur les défis de sa politique extérieure.
"La politique étrangère Bush-McCain a gaspillé l'héritage que plusieurs générations d'Américains (...) ont construit, et nous sommes ici pour rétablir cet héritage." Ces mots de Barack Obamaà Denver en août 2008 lors de la Convention du parti démocrate résument bien l'ambition du sénateur de l'Illinois à l'international.
Aujourd'hui, il porte ce message à la face du monde en tant que leader de la première puissance mondiale. Après sa consécration à la tête des Etats-Unis, des voix aux quatre coins de la planète clament leur espoir en un changement du rôle de la superpuissance sur l'échiquier mondial.
Mais qu'en est-il réellement? Obama, qui a maintes fois été taxé par les républicains de "naïf" et d'"impréparé", va-t-il réussir à résoudre les grands défis mondiaux? Si beaucoup parient sur un grand bouleversement de la donne géopolitique, le changement se verra plus dans la forme que dans le fond. Le point sur la politique d'Obama sur les principaux chantiers extérieurs, de l'Amérique latine à l'extrême Orient.
Obama, une double vision du monde
La présidence des États-Unis change de couleur de peau. Mais cela changera-t-elle la face du monde pour autant? Dans l'opinion publique émergent deux courants de pensée : celle de la continuité et celle de la rupture d'avec les années Bush, teintes de négativisme et de bellicisme. Mais loin de se réduire à une vision manichéenne, la ligne que va conduire Obama à l'étranger, après son investiture le 20 janvier 2009, risque fort de se résumer à un numéro d'équilibriste. Le président va devoir jouer entre ses promesses de "promotion de la paix et de la dignité dans le monde" et les contraintes liées à la crise actuelle.
La marge de manoeuvre américaine est étroite. Obama le sait. Ce qui pousse à s'interroger sur l'attitude que le nouveau président va adopter à l'égard des dossiers brûlants comme l'Irak, l'Afghanistan, l'Iran. Changement radical ou continuité?
"Je ne pense pas qu'on aura un changement dans le fond, affirme Alexandra de Hoop Scheffer, spécialiste des Etats-Unis à Sciences-po Ceri. C'est plus dans la rhétorique et l'habillage qu'il va y avoir du changement." Obama jouerait donc plus sur la forme que sur le fond dans sa politique étrangère.
Une vision partagée par Enrique Ghimenti, ancien attaché juridique à l'ambassade des Etats-Unis et correspondant du FBI en France. "Pas de changement radical, non. Certes, il va changer certaines choses et adapter la politique internationale à son style. Par exemple, s'il est contre la présence des USA en Irak, il s'efforcera de réduire les troupes de ce pays. Mais en même temps il va se heurter à la réalité." Cette confrontation à des terrains minés devrait le contraindre à ne pas trop s'écarter de la politique de son prédécesseur.
Le délicat dossier irakien
La page Bush ne peut être tournée brusquement pour éviter d'aggraver le chaos irakien. La méthode progressive est donc préférée. Le président démocrate entend sortir du bourbier irakien en retirant ses troupes dans un délai de seize mois pour n'y laisser que les forces "résiduelles" chargées de la lutte antiterroriste, comme il l'a répété pendant sa campagne.
Néanmoins pour mener à bien ce retrait, Obama compte sur le général David Petraeus, patron du CentCom, le commandement central américain qui supervise notamment l'Irak et l'Afghanistan. En tenant compte de l'avis des chefs militaires, il reste dans une certaine mesure fidèle à la politique de Bush.
Afghanistan-Pakistan, "le front principal de la lutte antiterroriste"
Le retrait d'Irak devrait signifier un renforcement des forces diplomatiques et militaires [en plus des 50 000 soldats sur place, ndlr] sur le front afghan. C'est un dossier majeur pour le président Obama. Avec l'Afghanistan, il veut lutter contre Al-Qaida et les talibans notamment dans la zone frontalière avec le Pakistan. Si cette volonté semble aller dans le sens du premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani qui déclarait qu'Obama allait promouvoir "la paix et la stabilité dans la région", la question du soutien de l'armée pakistanaise et des services secrets à l'islamisme divise. "Obama va faire pression au Pakistan dans la lutte antiterroriste afin que les services secrets pakistanais arrêtent d'aider les talibans à la frontière", explique Alexandra de Hoop Scheffer. Une ambition que partageait déjà George W. Bush.
Dialogue sur le nucléaire iranien
Place au dialogue et à la diplomatie. Obama s'est dit prêt à négocier avec le président iranien sur la suspension des activités d'enrichissement d'uranium sans conditions préalables. Il relègue l'option militaire au second plan, en cas d'échec. Avec cette ouverture, Obama rompt avec la politique frontale de Bush, et intègre un élément nouveau dans la stratégie américaine.
L'Iran est considéré comme pouvant jouer un rôle dans sa sphère régionale. "C'est ce qu'on appelle la comprehensive strategy ou stratégie globale. Obama veut faire émerger une vision plus régionale impliquant des acteurs comme l'Iran et la Syrie". Un jeu dangereux pour Israël qui voit d'un mauvais oeil l'extension de la sphère d'influence de l'Iran. "Cela mérite des éclaircissements auprès de Tel Aviv", selon Jacques Soppelsa, doyen à la Sorbonne et spécialiste des relations internationales.
En revanche, selon Catherine Durandin, directrice de recherches de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), les Etats-Unisne constituent pas une pièce maîtresse dans le dossier du nucléaire iranien."Le nucléaire iranien dépendra plus de la relation à venir entre Téhéran et Moscou."
Chaud-froid avec la Russie
Quid des futures relations États-Unis et Russie? L'actualité apporte des premiers éléments de réponse. "La question est quel jeu va jouer Moscou. Ils accusent les USA de monter aux enchères alors que la Russie a annoncé le déploiement de missiles Iskander dans la région de Kaliningrad, enclave russe entourée de pays de l'UE, pour contrer les éléments du bouclier antimissile américain qui seront installés en Europe", observe Catherine Durandin.
Moscou ne semble guère aller dans le sens de la coopération notamment sur la prolifération nucléaire prônée par Obama. "La Russie semble réagir de façon assez agressive. Elle a accusé les Etats-Unis d'être la cause de la guerre entre la Russie et la Géorgie d'août 2008 et d'avoir utilisé le conflit comme prétexte pour déployer des navires de guerre dans la mer Noire pour imposer plus vite encore à l'Europe le bouclier antimissile", constate Alexandra de Hoop Scheffer.
"Ménager Israël"
Barack Obama risque de ne pas savoir sur quel pied danser avec Israël. Bien qu'appuyant le statut israélien de la ville de Jerusalem, Obama est partisan de rouvrir les négociations entre Israéliens et Palestiniens. Le poids de l'électorat américain juif et du gouvernement israélien contraint Obama à tempérer ces propos pour ne pas passer pour un pro-palestinien.
Du côté de la Ligue arabe, Obama est perçu comme "un médiateur honnête". Le Hamas lui a apporté son soutien. Un geste embarrassant pour le nouveau président qui avait exprimé à Israël son refus de négocier directement avec le mouvement islamiste Hamas. "Il doit à la fois satisfaire une sensibilité moyen-orientale et ménager Israël, soutient Jacques Soppelsa. C'est pourquoi le bouclier antimissiles est là pour apaiser les craintes d'Israël, celui-ci étant protégé par le système."En Israël, on ne cache pas son inquiétude. "Tzipi Livni, ministre israélienne des affaires étrangères, a mis en garde Obama contre les risques de dialogue avec l'Iran. Pour l'état hébreu, cette ouverture serait révélatrice de la faiblesse de la politique des Etats-Unis", souligne Alexandra de Hoop Scheffer.
Fin du mutisme avec l'Amérique latine
Obama souhaite plus de coopération encore pour l'Amérique latine, à contre-courant de son prédécesseur. Aussi peut-on présager un réchauffement des relations notamment avec le Venezuela d'Hugo Chavez, habitué à tirer à boulets rouges contre l'administration Bush. "Il voudrait revenir à un dialogue constructif avec Chavez, remarque Alexandra de Hoop Scheffer. Il veut également revenir sur la liste des Etats voyous sur la scène internationale." La diplomatie est peut-être un premier pas vers l'approfondissement des accords de libre-échange qui patinent en Amérique latine.
Dilemme cornélien
La politique du nouveau président à l'étranger penche globalement vers plus de coopération et d'ouverture, aux antipodes de l'image de cavalier seul qui lui seyait jusqu'ici. Mais peut-on parler de rupture avec l'administration Bush? "On constate chez Obama cette mixité entre une vision réaliste par laquelle il veut renouer les dialogues et les relations stratégiquement importantes (Chine, Inde, Amérique latine) tout en privilégiant les Etats-Unis eux-mêmes", explique Alexandra de Hoop Scheffer, auteur de "Hamlet en Irak" (édité par le CNRS). "D'autre part il a une vision idéaliste dans laquelle il prône la paix et la dignité dans le monde. Il investirait alors plus dans l'aide au développement aux pays pauvres, notamment en Asie et en Afrique."
Qui de l'idéalisme ou du réalisme l'emportera? A supposer qu'Obama se focalise sur le réalisme, il est pris en étau entre les contraintes de la crise financière mondiale et ses impératifs de campagne sur le plan de la politique intérieure... et extérieure. Un arbitrage difficile mais incontournable. "Si Obama concrétise ses promesses en géopolitique extérieure, il lui faudra logiquement diminuer les aides sur des dossiers intérieurs", subodore Jacques Soppelsa.
"Je pense donc qu'Obama va diminuer son champ d'intervention à l'extérieur. Dans cette optique, il ne se limiterait qu'à résoudre les trois dossiers chauds que sont l'Irak, l'Iran et l'Afghanistan afin de se concentrer sur l'Amérique, de l'Alaska à la Terre de Feu" poursuit l'expert. Une vision d'un repli américain hétérodoxe mais pour le moins défendable. Par un jeu de dominos, cet isolationnisme modéré pourrait se traduire, selon le spécialiste, par un refroidissement des relations transatlantiques, au profit de Moscou. "Obama pourrait accélérer le rapprochement entre les forces occidentales et Moscou".
Chacun y va de ses spéculations. Obama va devoir relever le défi d'occuper le terrain extérieur tout en satisfaisant les citoyens américains sur des sujets intérieurs comme l'assurance-maladie, l'éducation, la pauvreté. Au risque de décevoir. "Obama a d'énormes responsabilités,conclut Alexandra de Hoop Svheffer. Il est le président qui hérite des plus grands problèmes aussi bien au niveau intérieur qu'extérieur. Il a des choix à faire, et il va devoir les faire rapidement". La tâche est ardue, mais à la hauteur du président des Etats-Unis.

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