DEMOCRATIE

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jeudi 11 juin 2009

Le capitaine seul à la barre !

Notre opinion

On se console comme on peut.Dimanche soir, le grand jeu des commentateurs de gauche consistait à faire l’addition de toutes les voix de gauche pour pouvoir dire : arithmétiquement, la droite est battue. Politiquement, elle avait gagné – et pas seulement en France, dans toute l’Europe.Nicolas Sarkozy s’attendait à un succès, mais pas à ce point.

Car le voici sans personne en face.Ce qui lui donne une liberté de mouvement plus grande encore avant que ses concurrents futurs n’aient le temps de lui disputer le terrain. Ce succès, qui laisse devant lui une gauche pantoise et désolée, il le doit à son sens du jeu et aux fautes de ses adversaires.

La crise aurait pu le faire trébucher. Il s’est appuyé sur elle pour multiplier les initiatives, depuis sa présidence de l’Union européenne et sa course pour créer le G20, jusqu’à sa déclaration conjointe avec Angela Merkel en fin de campagne électorale. Face à la crise, c’est lui qui protège, qui veut moraliser le capitalisme, maintenir des frontières, fermer la porte à la Turquie. Il prend la gauche à contrepied, la prive de ses repères. S’il ne ramène pas la confiance – celle-ci ne reviendra qu’avec la reprise –, il montre, à l’étranger comme ici, qu’il y a un capitaine à la barre.À qui rien ne fait peur.

De ce point de vue, la succession de grandes manifestations, qui se sont déroulées depuis le mois de janvier et qui vont se conclure ce samedi 13 juin, l’a servi au lieu de le mettre en difficulté. Il a d’abord réagi en souplesse en mettant en oeuvre un “plan social”, sans rien changer ensuite malgré les surenchères.Les défilés, toujours grossis par les fonctionnaires,absorbaient le débordement d’angoisse de certaines catégories de salariés tout en limitant la violence dans les usines menacées de fermeture faute de commandes.

La campagne électorale a interrompu cette violence radicale, faite d’enlèvements, de séquestrations, de destructions de machines, et le jeune Besancenot a dû plier ses drapeaux rouges le soir du 7 juin. À aucun moment, depuis le début de la tension sociale – doublée par la crise universitaire –,Nicolas Sarkozy n’a perdu la main.Au jour du scrutin, les couches populaires ont préféré s’abstenir en attendant la suite plutôt que de voter pour la gauche.Tandis que la droite classique se déplaçait en bon ordre.

Martine Aubry savait qu’elle courait à l’échec.Les sondages le lui disaient.Pourquoi ne l’a-t-elle pas anticipé ? Elle est restée comme tétanisée par une droite offensive et réactive. Elle n’a pas su rassembler son camp et elle a attendu le soir d’une défaite plus cruelle que prévue pour parler de rassemblement, de reconstruction et de projet. Que ne l’avait-elle fait ? Quelle sera sa légitimité pour incarner la ligne du parti et lui imprimer l’énergie indispensable à une campagne présidentielle ? La perspective des élections régionales, au printemps 2010, ne lui est même pas favorable : tous les barons du parti élus à des présidences de conseil régional vont s’empresser de négocier chez eux comme ils l’entendent, ne laissant à la tête du parti qu’une direction faible. Il suffit,pour s’en convaincre, d’écouter ces joursci les déclarations de Gérard Collomb, le maire de Lyon.

François Bayrou comptait sur cette faiblesse du parti socialiste pour lui ravir sa place.Mais il a commis une de ces fautes stratégiques qui ne pardonnent pas en politique.Nous l’avions dit ici même : l’antisarkozysme ne suffira pas.Son hostilité au chef de l’État l’aura obsédé jusqu’au point de le faire trébucher en public – devant Daniel Cohn-Bendit, sur le plateau de France 2. Il s’est trompé d’“abus de pouvoir”. La question n’est pas de comparer Nicolas Sarkozy à un monarque. La comparaison a déjà été appliquée au général de Gaulle, à Valéry Giscard d’Estaing,à François Mitterrand,et même à Jacques Chirac. C’est une illusion de croire que cela dérange les Français.L’élection présidentielle au suffrage universel est un sacre. Ils veulent un responsable au sommet. Surtout par temps de crise.L’“abus de pouvoir”n’a amusé que les bobos mais il a aveuglé son auteur, brutalement ramené sept ans en arrière.

Nicolas Sarkozy n’a donc pas besoin d’un second souffle ; il ne va changer ni de gouvernement ni de politique. En revanche, il aura trouvé dans le scrutin du 7 juin de nouveaux atouts : celui-ci lui laisse prévoir la ratification finale du traité de Lisbonne par les Irlandais en même temps que la victoire prochaine d’Angela Merkel aux élections législatives allemandes du mois de septembre. Cela ne peut que le renforcer dans l’idée qu’un boulevard d’initiatives s’ouvre devant lui, en Europe et pas seulement en France.

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